20-10-2010
Gertrud Kolmar (1894-1943) : Lettres
Tu crois que je peux difficilement m’imaginer ton isolement. Tu te trompes. Quand des hommes nagent ensemble dans le grand fleuve, il est bien naturel que celui qui ne plonge pas avec tout le monde, se retrouve relativement isolé sur la rive. Oui, l’isolement est d’autant plus grand que celui qui reste en arrière a plus de connaissances, d’amis, de parents. S’il vit seul extérieurement, il pourra croire que sa solitude intérieure, n’est que la conséquence de sa fermeture au monde, que des amis, s’il en avait, le comprendraient, l’approuveraient. Mais cette illusion, cet espoir n’est pas permis à celui qui ne rencontre aucune âme accordée parmi ses nombreuses connaissances et il se sentira plus seul que celui qui n’a pas d’amis. Ceux que j’appelle » les grands solitaires » n’étaient pas toujours seuls, ils avaient des partisans, des admirateurs, des amis et des serviteurs, mais une espèce de paroi invisible les en séparait. Est-ce que par hasard tu as lu mon drame de Tibère ? Lui aussi était un solitaire de cette sorte… 22.10.1939 à Hilde, p. 75
Publié par Jean dans Vacuité | RSS 2.0
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