19-03-2008
Jean Giraudoux
Un volume que je retirai presque intact, et dont le titre était tel que je restai une minute immobile au-dessus comme sur un miroir : Robinson Crusoé…
Un mendiant ne comprend son infortune qu’en voyant un mendiant, un nègre un nègre, un mort qu’en voyant un mort. Jamais il ne m’était venu à l’idée jusqu’à ce jour, par égoïsme, de comparer mon sort à celui de Robinson. Je n’avais pas voulu admettre que sa solitude effroyable fût la mienne. La vue de cette seconde île ronde comme un ballon d’oxygène au-dessus de mon île l’avait maintenue dans l’espoir. Mais aujourd’hui je feuilletai le livre comme un manuel de médecine sur la maladie qu’on croit soudain la sienne… c’était bien la même… mêmes symptômes, mêmes mots… des oiseaux, des bêtes, une peu de terre entourée d’eau de tous côtés… La nuit tombait, j’allumai deux torches… Seule, seule à la lisière d’un archipel, une femme lit Robinson Crusoé.
Suzanne et le Pacifique
Publié par Jean dans Vacuité | RSS 2.0
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