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Archives pour juillet 2007
30-07-2007
Johann Wolfgang Goethe (1749-1832)
Toute production importante est l’enfant de solitude, Mémoires, livre III, 15
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30-07-2007
68) Ma solitude – Colette Roux
Tu t’approches souvent le soir
tout doucement, à pas feutrés,
tu étends ton manteau noir
qui m’enroule
qui me trouble
qui m’oppresse
et me caresse,
qui m’étonne
et qui me donne
tant d’espoir.
Tu accours du fond des âges,
tu te ris de l’éternité,
d’une âme à l’autre tu voyages,
tu la touches
tu fais mouche,
tu la blesses
et tu la laisses,
tu reviens
et la retiens
dans ton sillage.
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30-07-2007
67) Charles Baudelaire (1821-1867)
Que diras-tu ce soir, pauvre âme solitaire,
Que diras-tu, mon cœur, cœur autrefois flétri,
A la très-belle, à la très-bonne, à la très-chère,
Dont le regard divin t’a soudain refleuri?
- Nous mettrons notre orgueil à chanter ses louanges;
Rien ne vaut la douceur de son autorité;
Sa chair spirituelle a le parfum des Anges,
Et son œil nous revêt d’un habit de clarté.
Que ce soit dans la nuit et dans la solitude,
Que ce soit dans la rue et dans la multitude,
Son fantôme dans l’air danse comme un flambeau.
Parfois il parle et dit:«Je suis belle, et j’ordonne
Que pour l’amour de moi vous n’aimiez que le Beau;
Je suis l’Ange gardien, la Muse et la Madonne.»
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30-07-2007
De l’esprit , Helvetius
Si les muses, disent les poètes, aiment les bois, les prés, les fontaines, c’est qu’on y goûte une tranquillité qui fuit les villes ; et que les réflexions qu’un homme, détaché des petits intérêts des sociétés, y fait sur lui-même, sont des réflexipns qui, faites sur l’homme en général, appartiennent et plaisent à l’humanité. Or, dans cette solitude où l’on est, comme malgré soi, porté vers l’étude des arts et des sciences, comment s’occuper d’une infinité de petits faits qui font l’entretien journalier des gens du monde ?
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29-07-2007
Protégé : 29 juillet
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28-07-2007
66) Dans ma solitude – Bahia.
Désarmée au miroir de mes matins chagrin
Je m’aventure dans l’intime de mon âme
Moments fragiles où me remontent aux tripes
Mes amours nomades de mes désirs
Mes fantasmes, phénix renaissant des cendres de mes illusions
Mon appel d’amour en errance dans le silence du néant
Mes blessures cristallisées, perles rouges sûr l’écrin de ma tendresse Mes regrets qui battent campagne
Mes souvenirs, ombres chinoises sur le mur de mes oublis
Mes jours sont longs à s’assoupir dans le sommeil
L’aurore esquisse mes rêves en perspective
Sur le crépuscule de mon amour exilé
Quelques lambeaux d’étoiles, perles d’eau à mes paupières
Furtivement récoltées au détour de ma nuit
Le cœur à marée basse rêve de rejoindre les soupirs de l’univers
Amarrée au vertige du temps, le désespoir échoué à fleur de cœur
Obstinément je tente d’aménager ma solitude
Mon sourire, fragile météore transperce la bourrasque de mes peurs A pas feutrés une lumière tendresse jaillit de mes certitudes Et, ma déchirure esquisse le mot renouveau sur mes lendemains
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28-07-2007
Protégé : 65) Solitude
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28-07-2007
Scènes de la vie parisiennne, d’Honoré de Balzac
Le dernier mot du directeur de la Conciergerie au chef de la police de sûreté contenait la sombre histoire des condamnés à mort. Un homme que la justice a retranché du nombre des vivants appartient au Parquet. Le Parquet est souverain ; il ne dépend de personne, il ne relève que de sa conscience. La prison appartient au Parquet, il en est le maître absolu. La poésie s’est emparée de ce sujet social, éminemment propre à frapper les imaginations, le Condamné à mort! La poésie a été sublime, la prose n’a d’autre ressource que le réel, mais le réel est assez terrible comme il est pour pouvoir lutter avec le lyrisme. La vie du condamné à mort qui n’a pas avoué ses crimes ou ses complices est livrée à d’affreuses tortures. Il ne s’agit ici ni de brodequins qui brisent les pieds, ni d’eau ingurgitée dans l’estomac, ni de la distension des membres au moyen d’affreuses machines; mais d’une torture sournoise et pour ainsi dire négative. Le Parquet livre le condamné tout à lui-même, il le laisse dans le silence et dans les ténèbres, avec un compagnon (un moulon) dont il doit se défier.
L’aimable philanthropie moderne croit avoir deviné l’atroce supplice de l’isolement, elle se trompe. Depuis l’abolition de la torture, le Parquet, dans le désir bien naturel de rassurer les consciences déjà bien délicates des jurés, avait deviné les ressources terribles que la solitude donne à la justice contre le remords. La solitude, c’est le vide ; et la nature morale en a tout autant d’horreur que la nature physique. La solitude n’est habitable que pour l’homme de génie qui la remplit de ses idées, filles du monde spirituel, ou pour le contemplateur des œuvres divines qui la trouve illuminée par le jour du ciel, animée par le souille et par la voix de Dieu. Hormis ces deux hommes, si voisins du paradis, la solitude est à la torture ce que le moral est au physique. Entre la solitude et la torture il y a toute la différence de la maladie nerveuse à la maladie chirurgicale. C’est la souffrance multipliée par l’infini. Le corps touche à l’infini par le système nerveux, comme l’esprit y pénètre par la pensée. Aussi, dans les annales du Parquet de Paris, compte-t-on les criminels qui n’avouent pas.
68 III. LIVRE
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27-07-2007
65) La Solitude
(orthographe modernisée)
Dans ce val solitaire et sombre
Le cerf qui brame au bruit de l’eau
Penchant ses yeux dans un ruisseau,
S’amuse à regarder son ombre.
De cette source une Naïade
Tous les soirs ouvre le portail
De sa demeure de cristal
Et nous chante une sérénade.
Les Nymphes que la chasse attire
A l’ombrage de ces forêts
Cherchent des cabinets secrets
Loin de l’embûche du Satyre.
Jadis au pied de ce grand chêne,
Presque aussi vieux que le Soleil,
Bacchus, l’Amour et le Sommeil
Firent la fosse de Silène.*
Un froid et ténébreux silence
Dort à l’ombre de ces ormeaux,
Et les vents battent les rameaux
D’une amoureuse violence. (…)
Ode, Les Oeuvres du sieur Théophile, 1621.
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26-07-2007
64) La solitude pesante – Nicolas Pavée
Oui nous sommes attachés par quelque silence Venu des frontières arrachées de l’été Où nous prenions jadis un verre à l’amitié Sur un comptoir doré aux tournées du dimanche Etait-ce le temps furtif de la réticence Nous luttions galamment dans l’antre solitaire A la santé des joies liées aux célibats
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Lons Le Saunier, le 28 février 1999 – Inédit |
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25-07-2007
63) Evariste de Parny (1753 – 1814)
Que le bonheur arrive lentement !
Que le bonheur s’éloigne avec vitesse !
Durant le cours de ma triste jeunesse,
Si j’ai vécu, ce ne fût qu’un moment.
Je suis punie de ce moment d’ivresse.
L’espoir qui trompe a toujours sa douceur,
Et dans nos maux du moins il nous console;
Mais loin de moi l’illusion s’envole,
Et l’espérance est morte dans mon coeur.
Ce coeur, hélas ! que le chagrin dévore,
Ce coeur malade et surchargé d’ennui,
Dans le passé veut ressaisir encore
De son bonheur la fugitive aurore,
Et dans tous les biens qu’il n’a plus aujourd’hui;
Mais du présent l’image trop fidèle
Me suit toujours dans ces rêves trompeurs,
Et sans pitié la vérité cruelle
Vient m’avertir de répandre des pleurs.
J’ai tout perdu, délire; jeunesse, jouissance
Transports brûlants, paisible volupté,
Douces erreurs, consolante espérance,
J’ai tout perdu : l’amour seul est resté.
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25-07-2007
62) La solitude – Oey-yng-voé (Wei Yingwu)
Encore un sectateur de la doctrine de Lao-tseu, mais dont la vie nous offre cette fois un curieux exemple du détachement des biens de ce monde, professé par un haut mandarin.
Oey-yng-voé était né vers l’an 730. Il passa de brillants examens, remplit successivement plusieurs charges importantes, et fut appelé notamment, en 785, au gouvernement de la ville et du territoire de Sou-tcheou. On ne mentionne point l’époque de sa mort.
« Il était, dit le biographe du siècle des Thang, d’un caractère juste et bon. Il mangeait peu, et avait peu de désirs. Dans sa maison, il brûlait des parfums, balayait le sol, et s’asseyait par terre. Ses vers circulaient au loin. Il fut lié d’amitié avec plusieurs poètes de son temps, mais de ceux dont le cœur était pur, et les sentiments conformes aux siens. »
La solitude
Nobles ou de condition obscure, les hommes, quel que soit leur rang,
Ne franchissent le seuil de leur porte que pour être assaillis de mille tracas.
Celui-là seul qui dégage son cœur de toute influence extérieure,
Se complaît dans la solitude, et sait en apprécier le bienfait.
La pluie vient le matin et s’arrête le soir, sans que j’en aie connaissance,
Et la verdure naît au printemps sans attirer mon attention.
Sortie des ombres de la nuit, la montagne a déjà repris les teintes brillantes de l’aurore ;
Sans les petits oiseaux qui chantent autour de ma demeure, je ne m’en serais pas même aperçu.
Parfois je m’entretiens, assis près d’un bonze tao-sse,
Parfois je chemine côte à côte avec un pauvre bûcheron.
C’est un instinct puissant qui m’attire ainsi vers les pauvres et les faibles,
Et non l’orgueilleuse pensée d’affecter le mépris des grandeurs.
1. Voici comment cette pièce est paraphrasée par un commentateur chinois :
« Le sujet de cette pièce est l’éloge de la solitude. Le poète établit d’abord que les hommes de tout rang et de toute condition sont généralement incapables de vivre dans l’isolement. Les grands, à la Cour, se tourmentent pour acquérir des honneurs et de la renommée ; les petits, au marché, se tourmentent pour acquérir des profits. Tous les hommes sont donc tourmentés d’une préoccupation quelconque, et par cela même ne sauraient demeurer enfermés chez eux. Tous sont influencés, entraînés par l’action des choses extérieures ; ils ne peuvent s’en dégager, et c’est pourquoi ils ne sauraient apprécier le bienfait de la solitude. Oey (l’auteur de la pièce) est un disciple du Tao. Comme, intérieurement, il n’a rien qui le préoccupe, à l’extérieur il n’est rien non plus qui attire son attention, et lui seul peut apprécier le bienfait de la solitude. Que la pluie vienne, alors qu’il est dans sa cabane, elle passe sans qu’il s’en soit même aperçu. Les plantes naissent au printemps, mais comment s’en apercevrait-il, lui qui oublie sa propre existence ? Il repose son cœur et ne s’intéresse à rien. »
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25-07-2007
5) Salvador Dali : Solitude
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25-07-2007
61) Solitude
par quel triste automne
l’arbre fut-il dépouillé
elle coule
coule la rivière
l’eau passe trépasse
et s’use la pierre
je suis seul
face à mon regard
seul
avec ma peine sauvage
qu’il me faut apprivoiser
vent
souffle de vent
fraîcheur
entre les branches vertes
odeurs fanées
qui doucement
doucement se dispersent
où sont les aurores
où sont les crépuscules
le temps seul est là
déformé
ridicule
et je m’évade
je pousse dans le rêve
loin de la rade
ma poupe lourde de sève
le pavillon bat
à la mesure du vent
à la mesure du temps
brusque choc
vibrante ossature
lorsque sur la coque
grincent les déchirures
je suis seul
sur un récif
battant dans le vent
au rythme du temps
mes profondes blessures
seul sous les saules
et se dérobe la blanche épaule
à ma douleur
je regarde la pluie
creuser de ses doigts fins
le sable qui fuit
du creux de ma main
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25-07-2007
Vaincre la solitude par Bruno Fortin, psychologue
Nous sommes tous seuls à des degrés différents.Cette solitude sera associée au plaisir ou à la souffrance selon le sens qu’on lui donne,selon nos attentes ainsi que selon la richesse des liens que nous établissons avec les gens. Notre capacité de nous relier à l’autre n’est pas une question de distance physique ou de sexe.Il s’agit de notre capacité de comprendre et de toucher le cœur et l’esprit de l’autre et de nous laisser toucher par lui.
Intéressez-vous à vous-même.
C’est en améliorant la relation que vous avez avec vous-même que vous commencerez ce cheminement.
Identifiez vos émotions, vos points forts et vos points vulnérables.
Il y a bien des avantages à se connaître. Cela vous permettra de mieux vous comprendre, de vous améliorer et de développer votre propre identité.
Reconnaissez l’existence de la solitude et profitez de ses plaisirs.
Profitez de l’instant présent.
Prenez le temps de vous informer.
Développez une perception juste et nuancée des événements et des personnes.
Donnez-vous le temps de réfléchir, et de faire le ménage dans vos préjugés.
Identifiez les stratégies inefficaces et les attitudes mentales nuisibles. Renoncez aux solutions inefficaces. Faites des choix plus sains.
Faites le point quant aux personnes de votre histoire.
Remettez en question vos habitudes et vos croyances. Démasquez la nature de certains de vos rêves. Renoncez à l’impossible pour mieux vivre. Identifiez ce qui est vraiment essentiel et mettez de côté ce qui est secondaire.
Reconnaissez votre part de responsabilité.
Attribuez-vous une responsabilité partielle. Prenez le temps de faire le point et de vous réorienter. Respectez votre rythme.
Faites de votre mieux pour vous rapprocher de vos buts.
Fixez-vous des objectifs réalisables. Cherchez la suite de votre vie. Recherchez la satisfaction de vos besoins. Trouver votre propre voie.
Profitez de ce que la société nous offre comme occasion de contacts.
Affrontez progressivement vos peurs. Choisissez des relations saines. Prenez soin de vous-même. Assurez-vous d’être disponible.
Motivez-vous en imaginant ce que vous souhaitez obtenir, ainsi que ce que vous souhaitez éviter.
Utilisez les images, les paroles, et les sensations associées à votre passé, à votre présent et à votre avenir. Comparez-vous avec vous-même, et prenez conscience du chemin parcouru. Reconnaissez ce qui vous donne plus de plaisir ou vous procure moins de souffrance.
Vivez vos deuils.
Cherchez un sens à la perte.
Cheminez par étapes suite au choc, à la sensation d’abandon, aux désillusions, à l’acceptation puis à la réconciliation avec la vie. Acceptez les différences. Laissez-vous vivre votre deuil à votre façon et à votre rythme.
Choisissez vos amis et vos groupes d’appartenance.
Laissez évoluer vos relations. Soyez vous-même. Respectez l’autre. Prenez votre temps. Soyez actif. Explorez différents types d’activités. Respectez vos valeurs et votre valeur. Présentez-vous à votre meilleur. Laissez-vous connaître progressivement.
Demandez-vous : Est-ce que cette personne est capable d’identifier et de partager ses sentiments? Est-elle intéressée à développer ses capacités? Est-elle honnête et digne de confiance? Est-elle autonome? A-t-elle une attitude positive envers la vie? Partage-t-elle mes valeurs? Est-elle disponible et prête à s’engager
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24-07-2007
Protégé : Solitude
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23-07-2007
60) Belle soirée de solitude – Boing
Soirée de fraîcheur, soirée de lune
De ma fenêtre elle est là toute lumineuse
Elle n’est pas seul, les étoiles tracent de leur plume
Une toile fabuleuse.
Soirée de rencontre, soirée de rire.
Gens de cœurs, gens d’amitiés
Ame blessée, ou pensées à enfouir
J’ai oublié et j’ai vu que c’est bon rire.
Lumineuse tu es ! Mystère que tu dévoile.
Je ne peut m’empêché de penser à mes anges
Ils sont mystère, ils sont ma toile.
J’aimerais tant être mésange.
Soirée de solitude, soirée de quiétude.
Moment de tendresse, moment de bonheur
Soirée de songes, soirée de plénitude.
Lune tu continue ton chemin,
Le soleil reviendra en renfort
Comme mes amis mis sur mon chemin
Ce sont des gens en or
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23-07-2007
4) Quietude, solitude
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22-07-2007
Robinson, le négrier, de Lucio Villari
A ce qu’il semble, Les aventures de Robinson Crusoe est le livre qui a eu le plus grand nombre d’éditions après la Bible. C’est un record enviable, justifié par la fascination d’un récit extraordinaire, mais angoissant (un homme, seul, sur une île perdue, pendant presque 28 ans). Bref, 280 ans après sa parution sans nom d’auteur (Londres, avril 1719), cette oeuvre met encore dans le mille. L’histoire, racontée à la première personne comme s’il s’agissait une autobiographie, est en effet unique dans son genre, même si, conçue et rédigée par son auteur pour un public adulte, elle est devenue, pendant des générations, une lecture pour les enfants. Pourtant seuls les adultes sont à même de pénétrer dans la trame idéologique de ce roman qui est, sans doute, la représentation d’un type particulier d’individu : autosuffisant, actif, productif; un type d’individu qui, depuis le XVIIème siècle constitue un modèle culturel gagnant.
Il existe, cependant, une étrange destinée commune à certains classiques de la littérature : celle d’être lus toujours de la même manière, comme si une sorte de paresse empêchait de lire tout ce que l’auteur a écrit et non pas seulement ces parties du livre qui en ont décrété le succès durable. Il en est ainsi du livre de Defoe. Les lecteurs n’ont jamais attaché beaucoup d’importance au fait de savoir qui était Robinson avant son naufrage et sa terrible solitude, ni pourquoi il s’est exposé à un tel malheur. Et pourtant l’avant et le pourquoi sont expliqués très clairement par Defoe et, ce qui est plus important encore, il sont une partie intégrante du personnage Robinson, de son idéologie et de son comportement. (…) Mais procédons avec ordre. D’abord le Robinson inventé par Defoe n’était pas un marin (même s’il est défini de la sorte dans le titre original de l’ouvrage). Peut-être aurait-il voulu le devenir, mais dans ses premiers voyages par mer il est décrit comme un jeune homme terrorisé par les tempêtes. Si Robinson a choisi la mer, ce n’est pas pour devenir marin, mais seulement à cause de la manie de faire fortune, de gagner beaucoup d’argent, et tout de suite, avec un type particulier de commerce. Sur des dizaines de pages (ces mêmes pages que les lecteurs ont toujours ignorées), Defoe n’arrête pas de critiquer comme une « idée extravagante et indéterminée », le désir de Robinson « de faire fortune » (Robinson, folio, 1996, page 65). Ce sera justement cette avidité qui déterminera tous les malheurs de Robinson : l’esclavage, d’abord (…), le désespoir sur une île déserte, ensuite. La recherche fébrile de l’argent, « le désir téméraire et immodéré de m’élever plus promptement que la nature des choses ne l’admettait » (Robinson, folio, 1996, page. 99) est sévèrement critiqué par Defoe. En effet, après avoir échappé à l’esclavage au Maroc, Robinson s’établit au Brésil, où, pendant quatre ans, il sera agriculteur et planteur (il produisait du sucre et du tabac). Mais sa manie du commerce l’empêchera de s’installer durablement dans cette vie tranquille et retirée. Et le commerce, pour Robinson, c’était abandonner le dur labeur des champs pour poursuivre une richesse facile et rapide. Or, au milieu du XVIIème siècle, de nombreux spéculateurs et trafiquants, bref des « hommes d’affaires » européens et notamment anglais firent une grande découverte économique : la traite et le commerce des esclaves ; c’est à dire l’enlèvement d’habitants pacifiques des côtes occidentales d’Afrique et leur transfert violent, sur des bateaux négriers, vers l’Amérique, pour y être vendus aux enchères.
En écrivant son roman, Defoe parlait donc en « temps réel » et en parfaite connaissance de cet ignoble marché. Né à Londres en 1660, dans une famille de marchands, Defoe avait été éduqué, davantage qu’au culte de l’argent, au respect des règles et des valeurs morales. En effet, devenu lui-même marchand, il voyagea pendant quelques années en Europe (il visita aussi l’Italie), restant toujours fidèle aux règles de la moralité commerciale. Il n’eut point de succès et décida alors de devenir journaliste et narrateur. C’est donc dans cette expérience personnelle qu’il faut chercher les raisons de son recul critique, évident dès les premières pages du roman, par rapport aux activités fébriles de son personnage.
Robinson devient ainsi négrier à plein titre, accomplissant plusieurs voyages, très fructueux, sur les côtes de Guinée, pour en tirer « des Nègres pour le service du Brésil, et en grand nombre » (Robinson, folio, 1996, page 99). De plus, Robinson Crusoe se fait l’ardent propagandiste, auprès de ses amis agriculteurs et planteurs, de cette activité économique si lucrative : « dans mes conversations avec eux, j’avais fréquemment fait le récit de mes deux voyages sur la côte de Guinée, de la manière d’y trafiquer avec les Nègres » (Robinson, folio, 1996, page 99) et de la facilité de la « traite » des nègres. Or, ce commerce était légal à tous les effets, il suffisait d’obtenir l’autorisation des gouvernements portugais et espagnols (l’Espagne et le Portugal étaient en effet les maîtres des colonies américaines). Mais l’obtention des ces autorisations était longue et obligeait à payer des taxes au moment de la vente au prix fort des esclaves capturés. Voilà donc la trouvaille : pourquoi ne pas éluder les règlements et faire du commerce clandestin de nègres ? « Il advint qu’une fois, me trouvant en compagnie avec des marchands et des planteurs de ma connaissance, je parlai de tout cela passionnément ; trois d’entre eux vinrent auprès de moi le lendemain au matin, et me dirent qu’ils avaient beaucoup songé à ce dont je m’étais entretenu avec eux la soirée précédente, et qu’ils venaient me faire une secrète proposition. Ils me déclarèrent, après m’avoir recommandé la discrétion, qu’ils avaient le dessin d’équiper un vaisseau pour la côte de Guinée. Nous avons tous, comme vous, des plantations, ajoutèrent-ils, et nous n’avons rien tant besoin que d’esclaves ; mais comme nous ne pouvons pas entreprendre ce commerce, puisqu’on ne peut vendre publiquement les Nègres lorsqu’ils sont débarqués, nous ne désirons faire qu’un seul voyage, pour en ramener secrètement et les répartir sur nos plantations » (Robinson, folio, 1996, page 100). Robinson aurait dû s’embarquer comme consultant commercial « pour diriger la traite sur la côte de Guinée, j’aurais ma portion contingente de Nègres sans fournir ma quote-part d’argent » (Robinson, folio, 1996, page 100). L’affaire fut conclue. L’expédition prit son départ le premier septembre 1659. Peu de jours après, une tempête terrible au large du Venezuela, fit échouer le vaisseau aux environs d’une île : l’équipage essaya en vain de se sauver, seul Robinson survécu. A partir de ce moment commence l’autre histoire, la lutte pour la survie dans une prison faite d’arbres, de rochers, de sable, le choc frontal entre l’homme et la Nature, la confrontation entre la solitude et l’ingéniosité productive. Robinson survivra, grâce aussi à sa foi religieuse (la Bible est le seul livre rescapé du naufrage), n’oublions pas que Defoe était un presbytérien sincère. Mais quand, comme tous les lecteurs le savent, au bout de vingt-cinq ans de solitude, arrive sur l’île un jeune nègre, Vendredi, Robinson le capture, s’affectionne à lui, mais n’oublie pas son rôle de Maître : il n’abandonnera pas non plus son image de soi comme king and lord, roi et seigneur (ainsi s’autoproclame-t-il) de l’île qu’il a colonisée pendant tant d’années. Bref, même en petit, Robinson reste l’homme d’affaires ambitieux qu’il a toujours été. Pourquoi donc cet homme, si banal et si médiocre, est-il devenu, pour des générations de lecteurs, un symbole, un mythe, une utopie? Peut-être à cause de la puissance de l’affabulation littéraire, de l’invention narrative, de l’art du récit, mais surtout à cause du sens d’une chronique élémentaire, où l’aventure, le mystère, l’angoisse existentielle, dessinent les contours d’un homme obligé, pendant de longue années, à ne dialoguer qu’avec soi-même et à trouver dans le travail (et dans le cas de Robinson, personnage créé par un homme de religion comme Defoe) et dans la foi, la force pour vivre; la force pour lutter victorieusement contre la Mort. L’idéologie de l’esclavagiste et du marchand Robinson était mesquine, mais son défi à la mort est grandiose. Voilà la vraie leçon morale d’un livre que nous aimons tous.
Paru dans Il Venerdì di Repubblica, numéro 556 du 6 novembre 1998, pp 140-146.
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22-07-2007
Solitude
Entouré de bras, entouré de mains, qui se tendent vers moi, Je suis seul.
Different de tous, different de toi qui ne m’aime pas, Je suis seul.
Ta bouche contre la mienne, mon corps dans le tien, Je suis seul.
Le rêve d’une nuit, le rêve d’une vie s’effondre aujourd’hui, Je suis seul.
Quand ton amour me glisse dessus et que le mien la tue, Je suis seul.
Quand ils m’appellent ce matin, et que je leur dit qu’avec toi je ne suis plus, et que dans leur voix, j’entend les cris morbides d’un espoir renaissant, Je suis seul.
Quand je vois que pour vous l’amour se compte en années ou en bonnet, Je suis seul.
Quand toutes vos passions m’exaspèrent et que même les miennes n’existent que pour combler ce que sera désormais ma vie, Je suis seul.
Quelqu’un partagera-t-il sa solitude un jour avec moi ?
Posté par respirations le 25 mars 2007
Ta demande m’honore ! Comme j’ai trouvé un texte de toi sur la solitude, je peux créer le type de lien que je préfère ! L’illustation correspond exactement à ce que je te souhaite !
Posté par Jean dans Vacuité | Pas encore de commentaires »
22-07-2007
Y, Le Dernier Homme
Etre le dernier homme sur terre … Seul mâle survivant, entouré de femmes …Un fantasme ? Non ! Un cauchemar, comme nous le prouve admirablement Brian K. Vaughan (scénario), et Pia Guerrera (dessin) dans leur série Y, The Last Man publiée aux states sous le label Vertigo de DC Comics et traduite en France par Semic dans deux Semic Book.
Le contexte : Pour Yorick, jeune artiste de l’évasion, chômeur, actuel maître d’un capucin mâle indiscipliné baptisé Esperluette, et amoureux une splendide blonde qui se ballade en Australie, tout va bien jusqu’au jour ou il se décide à la demander en mariage au téléphone. C’est alors que pour une raison inconnue, que plusieurs évènements simultanés pourraient expliquer, tous les hommes meurent. Tous ? Non, car dans le chaos qui s’ensuit, Yorick et Esperluette doivent survivre, à la recherche d’une solution, alors que les femmes se réorganisent pour vivre sans les hommes. (couverture de J.G. Jones)
Suite à l’apparition d’un mystérieux virus qui n’a laissé sur Terre que des femmes, Yorick Brown se retrouve le seul homme encore vivant dans une humanité désorganisée. Le cauchemar a commencé…Dans ce premier tome, Yorick se rend à Washington pour retrouver sa mère tandis que le gouvernement des Etats-Unis se réorganise. Entre républicaines et démocrates, qui deviendra la nouvelle présidente des Etats-Unis d’Amérique ? Il va y avoir de l’action à la Maison Blanche et Yorick va rencontrer deux personnes qui pourraient bien être les responsables de la catastrophe qui frappe le monde.
Dans ce premier tome, tout est posé, des situations surprenantes et des dialogues savoureux, des personnages attachants et une intrigue à l’échelle humaine, tandis que le dessin reste d’une bonne facture et sert l’histoire. (Couverture de J.G. Jones)
Après avoir échappé à la mort, avoir affronté les Filles de l’Amazone, et avoir fait alliance avec l’Agent 355 et le Docteur Mann, Yorick Brown est décidé à traverser le territoire des États-Unis, effondrés par le désordre et l’anarchie. Il n’oublie pas qu’à l’autre bout du globe, sa fiancée l’attend…
Et pourtant, le chemin initiatique sur lequel il a choisi de s’engager le mènera à l’amour.Dans le second tome, Yorick va se retrouver sur le chemin d’un éventuel remède face à une communauté de femmes qui semble avoir réussi à s’adapter sans difficultés. Mais quel est leur secret ?
Un second tome très réussi ou Yorick apparaît moins parfait et ouvert qu’on pourrait le croire, prêt à céder à la tentation de tromper sa fiancée, tandis qu’une confrontation dramatique va avoir lieu qui va le bouleverser. Pendant ce temps dans l’ombre des menaces nouvelles se confirment et de nouveaux enjeux apparaissent.
Le scénario de Vaughan est réellement captivant, avec un rendu des situations parfait, et Pia Guerrera assure la partie graphique sans faillir. Et les cliffhanger de fin d’épisodes sont de grands moments de suspens.Un excellent moment de lecture pour les membres des deux sexes !!!!!
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22-07-2007
Crache, le dernier homme sur terre
Résumé de l’album : Sur Terre, les oiseaux ont disparu. La race humaine a été anéantie par le neuro-toxique AS-SAKAR, l’arme favorite des Draaks… des extra-terrestres aux allures de rhinocéros qui ont envahi la planète.
Le seul survivant de la race humaine s’appelle Crache… Il survit dans Une végétation exhubérante et inquiétante. Sa monture, un tamanoir géant, lui permet d’explorer les villages morts, car un village, c’est toujours une réserve d’armes et de munitions…
Sa vengeance est une véritable obsession.
Un jour, il se retrouve face à un enfant Drakk, son premier réflexe est de le mettre en joue, et .. pour la première fois , il ne tire pas. Ce gamin Draak se met à le suivre, impossible de s’en débarrasser, il finira donc par s’en accommoder.
Et puis voilà qu’il croise Hermès, un mutant affublé d’ailes au pieds et d’une tête d’escargot lui apprend qu’il existe une fille. Le dernier Humain, un gamin Draak et un mutant composeront un étrange trio qui partira à la recherche d’une improbable jeune fille.
Scénario : Gratien
Dessin : Khéridine
Editions : Vents d’Ouest
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22-07-2007
59) La Solitude – Charles Baudelaire
Un gazetier philanthrope me dit que la solitude est mauvaise pour l’homme; et à l’appui de sa thèse, il cite, comme tous les incrédules, des paroles des Pères de l’Eglise.
Je sais que le Démon fréquente volontiers les lieux arides, et que l’Esprit de meurtre et de lubricité s’enflamme merveilleusement dans les solitudes. Mais il serait possible que cette solitude ne fût dangereuse que pour l’âme oisive et divagante qui la peuple de ses passions et de ses chimères.
Il est certain qu’un bavard, dont le suprême plaisir consiste à parler du haut d’une chaire ou d’une tribune, risquerait fort de devenir fou furieux dans l’île de Robinson. Je n’exige pas de mon gazetier les courageuses vertus de Crusoé, mais je demande qu’il ne décrète pas d’accusation les amoureux de la solitude et du mystère.
Il y a dans nos races jacassières des individus qui accepteraient avec moins de répugnance le supplice suprême, s’il leur était permis de faire du haut de l’échafaud une copieuse harangue, sans craindre que les tambours de Santerre ne leur coupassent intempestivement la parole.
Je ne les plains pas, parce que je devine que leurs effusions oratoires leur procurent des voluptés égales à celles que d’autres tirent du silence et du recueillement; mais je les méprise.
Je désire surtout que mon maudit gazetier me laisse m’amuser à ma guise. « Vous n’éprouvez donc jamais, – me dit-il, avec un ton de nez très apostolique, – le besoin de partager vos jouissances? » Voyez-vous le subtil envieux! Il sait que je dédaigne les siennes, et il vient s’insinuer dans les miennes, le hideux trouble-fête!
« Ce grand malheur de ne pouvoir être seul!… » dit quelque part La Bruyère, comme pour faire honte à tous ceux qui courent s’oublier dans la foule, craignant sans doute de ne pouvoir se supporter eux-mêmes.
« Presque tous nos malheurs nous viennent de n’avoir pas su rester dans notre chambre », dit un autre sage, Pascal, je crois, rappelant ainsi dans la cellule du recueillement tous ces affolés qui cherchent le bonheur dans le mouvement et dans une prostitution que je pourrais appeler fraternitaire , si je voulais parler la belle langue de mon siècle.
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21-07-2007
58) Amant – Wine Liaowârine
Samedi : solitude ?
Nuit / étoiles / clarté / fleuve / reflets / hôtel / luxe / terrasse / fête / lumières / ombres portées / splendeur / brise / foule / tenues de soirée / sourires / éclats de rire / amusement / amuse-gueule / buffet / vins / alcools / bonheur / citadins
En coin de salle / elle / robe longue / noir / remarquable / elle / point de mire / entourage / dense / empressé / près d’elle / lui / gentleman / vieillesse / elle et lui / éclats de rire / couple / musique / main dans la main / piste de danse / enlacés / dansant / valse / « Danube bleu » / Johannes Strauss / mouvement / rythme / beauté / eux / couple / contact / lui / question / qui / mari / ? / improbabilité
Moi / regard / la dévorant / observant / intérêt / doute / jalousie / moi / elle / regards croisés / pour finir / décidant / m’approchant / moi / inclination / présentation / sourire / permission demandée / danse / elle / permission accordée / moi / remerciant
Elle / se levant / nous / marchant / piste de danse / nous deux / dansant / sourires / yeux dans les yeux / arrière-pensées / odeur d’elle / parfum / désir / contact / ma main / sa taille / hanche / robe longue / satin / douceur / rondeur / ma question / cet homme / qui / sa réponse / mari / moi / riant / incrédulité / elle et lui / différence d’âge
Nous / dansant / regards / yeux dans les yeux / mouvement / rythme / pas / mains / contact / douceur / brise / musique / prenant fin / temps / fuite / dansant / finissant / moi / soupirant
Nous deux / regards échangés / sens / arrière-pensées / elle / sourire / prenant congé / soupirant / moi / main tendue / carte de visite / elle / acceptant / moi / demandant / numéro de téléphone / elle / arrêt / sourire / refusant / moi / sourire / insistant / elle / consentant
Elle / retournant / table / entourage / eux / couple marié / intimité / moi / sentiment profond / jalousie / ? / fantasmes / fête / prenant fin / séparation / moi / observant / eux / vieil homme / jeune femme / moi / debout / seul / bord de l’eau / lumières / reflets / solitude / elle / lui / moi / soupir / fantasmes / culpabilité / haussant les épaules / retour chez moi / parking de l’hôtel / voiture / démarrant / vitesses automatiques / accélérateur / tard la nuit / calme / artères / vide / lumières / panneaux / néons / affiches / noms d’immeubles / quartier chaud / foule / jeunesse / bon temps / passage piétonnier / feu rouge / soupirant / accélérateur
Arrivant à destination / condominium / domicile / hall d’entrée / ascenseur / treizième étage / porte / interrupteur / appuyant / lumière / salon / seul / aquarium / sofa / assis / réfléchissant / cuisine / réfrigérateur / glace / verre / assis / buvant / regardant / aquarium / poissons / nageant / cercles / solitude / soupirant
Salle de bains / déshabillage / miroir / image / un homme / âge / 27 ans / moi / yuppie / beau gosse / célibataire / jeunesse / liberté / bon temps / douche / eau tiède / fraîcheur / solitude / salon / fenêtre / horizon / lumières / Bangkok / montre / 2 heures / mélancolie / télécommande / platine laser / disque compact / musique / sourdine / valse / « Danube bleu » / Johannes Strauss / Chevas Regal
Chambre / lit / allongé sur le dos / yeux ouverts / fantasmes / désir / elle / lui / moi / pensées / son nom / sa maison / musique / sommeil / agité / rêve / elle / moi / elle / moi / elle / moi / elle
Traduit du thaïlandais par de Marcel Barang
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21-07-2007
Protégé : Manu Causse : Gloom gloom
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21-07-2007
21 juillet
Moi : Je vais mieux ! J’ai de ses nouvelles…
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20-07-2007
17) Lys Gauty : J’écoute la pluie
Paroles: Max-Erlange, musique: E. Juvet ou Groener, 1940
REFRAIN:
J’écoute la pluie
Dont les gouttes tombent une à une
J’écoute la pluie
Dont le bruit calme mon coeur
J’écoute le vent
Qui me berce dans mon infortune
J’écoute le vent
Qui emporte mon bonheur.
Et pour toi, mon amour
Jusqu’au jour de ton retour,
J’écoute la pluie
J’écoute le vent qui fuit.
Un soir de solitude,
J’ai vu fleurir
Tel un lointain prélude
Mes souvenirs
Mes souvenirs d’enfance,
De mon pays, la France
A toi je me confie
Dans ma nostalgie
REFRAIN
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20-07-2007
57) Stéphane Mallarmé : Angoisse
Je ne viens pas ce soir vaincre ton corps, ô bête
En qui vont les péchés d’un peuple, ni creuser
Dans tes cheveux impurs une triste tempête
Sous l’incurable ennui que verse mon baiser :
Je demande à ton lit le lourd sommeil sans songes
Planant sous les rideaux inconnus du remords,
Et que tu peux goûter après tes noirs mensonges,
Toi qui sur le néant en sais plus que les morts :
Car le Vice, rongeant ma native noblesse,
M’a comme toi marqué de sa stérilité,
Mais tandis que ton sein de pierre est habité
Par un cœur que la dent d’aucun crime ne blesse,
Je fuis, pâle, défait, hanté par mon linceul,
Ayant peur de mourir lorsque je couche seul.
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19-07-2007
4) Deborah Bays :Summer solitude
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18-07-2007
La solitude à l’adolescence, Alain Braconnier
Docteur, y a t’il une solitude particulière à l’adolescence ?
La solitude de l’adolescent est une solitude nécessaire, normale, l’adolescent est un sujet qui n’est ni un enfant, ni encore un adulte. Il a besoin de représenter ses actions, ses décisions ses choix ses idéaux comme venant de lui et non plus comme venant de ses parents ou du monde des adultes. Ce travail, beaucoup plus compliqué, beaucoup plus profond qu’il n’y paraît, est un travail qui demande que le sujet se retourne vers lui-même, avec le sentiment qu’il peut par lui-même à la fois trouver ses solutions, et à la fois vivre ce que l’on appelle l’ennui et la morosité.
L’ennui et la morosité à l’adolescence, quand ce n’est pas excessif ou exagéré, c’est une raison de repli sur soi, une raison utile, positive de retour sur soi même, de rencontre avec soi-même, qui a pour but de se donner la force, se donner la conviction, la réflexion de ses choix personnels.
La solitude de l’adolescent est nécessaire
A un certain degré, la solitude est utile et même nécessaire à cette période de l’existence. Ce qui en fait la souffrance, la pathologie, est que cette solitude peut amener une rencontre avec lui-même, mais une rencontre avec du vide. Il rencontre quelque chose qui n’est pas suffisamment sécurisant pour lui permettre de se dire que, par lui même, il peut trouver des appuis qui ont été préparés dès l’enfance comme des appuis suffisamment solides qui lui donne le sentiment qu’il peut rencontrer l’autre sans méfiance, sans agressivité, sans haine, mais au contraire avec une certaine confiance, avec une certaine tranquillité qui fait monde extérieur est toujours une projection de son monde intérieur. Ce qui fait que si on n’a pas un monde intérieur suffisamment tranquille, suffisamment apaisé, dans une situation de difficulté, on va vivre des souffrances, des tensions qui vont amener paradoxalement des cercles vicieux qui ne font finalement que répéter les situations initiales.
Quelles sont les limites à une solitude que l’on pourrait qualifier de « normales »?
Les limites sont très claires : c’est quand l’individu ne peut que se retrouver en état de solitude, c’est quand il se retrouve en état de répétition. la pathologie, c’est de perdre sa liberté, c’est de ne pas pouvoir, dans une situation qui vous est proposée, trouver les moyens de s’adapter à cette situation et de faire en sorte que justement on change. La pathologie, c’est la répétition, c’est l’absence de changement, c’est même la résistance au changement.
Résistance qui n’est pas forcément consciente, qui est très souvent inconsciente, qui fait que la liberté que tout un chacun a quand il est suffisamment apaisé avec lui même et avec les autres, est une liberté que, hélas tout le monde n’a pas et qui fait que ceux qui ne l’on pas ne font que répéter les mêmes choses, les mêmes difficultés, les mêmes comportements. Et ce qui fait le paradoxe, c’est qu’il désirent que ça ne se répète pas. Mais, « ils se débrouillent » pour se remettredans les mêmes situations.
Comment situer cette solitude plus délicate ?
Derrière la solitude, il y a vraiment un enjeu affectif qui peut être présent comme quelque chose qui s’est joué dès l’enfance, très précocement, c’est à dire, à un moment où tout sujet humain ne devient petit à petit mâture que quand il devient adulte.
Un lien qui n’a jamais existé
Dans cette première enfance, on a vécu une insuffisance de liens. Quand je dis de lien, ça veut dire une insuffisance de protection, d’affection ce qui ne veut pas dire uniquement un accord. L’affection peut se manifester dans le refus, dans l’interdiction. Ce lien n’a pas eu lieu dans la toute première enfance.
Il y a une nostalgie fantastique qui peut se manifester très fortement chez certains, de ce lien qui n’a jamais existé. Ceux qui sont confrontés à la solitude, ceux qui souvent, sans en pendre conscience, implicitement, la reproduisent par leur propre attitude, parfois en recherchant un contact, mais dans le même temps, en refusant, ont souvent comme dynamisme interne, inconscient ,un besoin de rechercher le lien et, en même temps, avoir le sentiment qu’ils ne pourront jamais l’obtenir.
Cela peut être inscrit dans leur propre histoire qui fait qu’établir des liens avec les autres représente toujours un grand danger car on n’est jamais sûr de pourvoir être aimé et de pouvoir être accepter, parce qu’on l’a pas été, c’est cela qui fait que le poids de l’enfance dans cette problématique là peut déterminer la trajectoire d’un certain nombre de sujets. On reste toujours quelque part enfant.
L’aide que l’on peut leur procurer est de leur permettre d’établir des liens, sans que ces liens deviennent des liens qui soient très menacés, par le fait qu’ils seront dans leur mémoire comme ils se sont rompus ou comme ils n’ont pas existé quand ils étaient très jeunes enfants. Il faut que ces sujets retrouvent eux-mêmes une confiance dans l’autre qui fait qu’ils puissent se dégager de ce qui a pu les traumatiser dans leur enfance.
les jeunes solitaires semblent ne pas toujours avoir trouvé des mots appropriés, une expression , une verbalisation ?
Il y a au fond une manière de communiquer avec soi même qui est identique à celle de communiquer avec les autres il y a le langage, la parole. Il y a la parole interne, c’est à dire, la relation à soi même, penser avec soi, penser sur soi. On communique continuellement avec soi même. Il y a une communication qui passe par des modalités de communication qui sont éternelles, qui sont entre la communication directe avec l’autre et la communication avec soi même. C’est le théâtre, le dessin, la musique. C’est l’espace transitionnel, en psychanalyse : tout ce qui est entre l’autre et soi. Ce qui fait que lorsqu’on regarde un dessin, un pièce de théâtre, on a le sentiment à la fois qu’on s’y trouve et à la fois qu’on trouve l’autre, qu’on rencontre l’autre. A la fois, c’est soi et pas soi.
L’expression tout à la fois collectif, communautaire et en même temps très individuel. Elle est tout à fait transitionnelle. Cette manière de communiquer avec l’autre et en même temps à soi-même n’est pas vraiment une manière qui est directement de s’adresser à l’autre, mais pas non plus une manière que de s’adresser à soi même. C’est un champ d’expression qui a depuis tout temps une très grande utilité qui est source d’une dimension culturelle, elle se poursuit toute la vie, et on est au fond des petits enfants qui cherchent cet espace transitionnel.
CRÉER DES SITUATIONS
Que peut-on faire pour aider l’adolescent en « solitude »?
Ce qui doit être proposé doit toujours être sur deux versants: à la fois sur le versant d’une proposition concrète d’une rencontre avec quelqu’un. On ne peut jamais présager de ce qu’une rencontre peut permettre, c’est pour ça que toute rencontre à mon avis positive. Vraiment, on ne sait pas au départ ce que va être une rencontre. Mais ce qui va permettre que les choses changent, c’est qu’il faut que s’y rajoute obligatoirement la possibilité que le sujet se représente que cette rencontre est différente de ce qui s’est passé jusqu’à maintenant. C’est un travail d’élaboration, de construction, de réflexion qui demande du temps qui demande du temps, qui n’a pas besoin d’être systématiquement une réflexion d’ordre philosophique ou psychanalytique, même si les ados ont parfois tendance à intellectualiser tout ça.
SE REPRÉSENTER QUE LA RENCONTRE EST DIFFÉRENTE
Mais en même temps, cela demande que ce qui fait que cette rencontre, à un moment ou un autre, va être la source d’une résistance, va buter sur quelque chose qui ne se passe plus comme ça se passait alors que l’on avait le sentiment que tout allais bien. Là, c’est un indice qui montre qu’il y a quelque chose de profond en soi de non résolu qu’il va falloir aborder avec le plus d’honnêteté ( sans allusion morale), le plus de conviction que nécessaire.
Nous, on le sait de notre place de spécialistes, par rapport à ce qu’on appelle le transfert. Le relation à une personne, même extérieure à sa vie, peut tout d’un coup devenir un véritable enjeu. Quand c’est un véritable enjeu, c’est une relation avec soi même qui est en train de se jouer. C’est ça le transfert. C’est le signe d’une résistance à sa propre relation à soi-même. On va dire que l’autre n’est pas à la hauteur de…, ne nous apporte pas ce qu’il faut parce que vis à vis de nous mêmes, on n’a pas confiance en soi. Et c’est ça qu’il faut essayer de favoriser dans l’expression, qui peut être orientée dans des moments de ce type. Ils disent : « Je préfère rester tout seul qu’aller avec les autres, ils sont tellement bêtes »? En disant ça, ils ont le sentiment que les autres sont bêtes mais inconsciemment, c’est une représentation d’eux mêmes qu’ils donnent.
Il faut les aider en leur disant : » Est ce que ce n’est pas vous qui auraient un peu peur de rencontrer les autres parce que vous sentez que vous n’êtes pas à la hauteur ? »
Parfois, ce sera vrai, d’autres fois, ce ne sera pas vrai, mais c’est bien de le dire.
Que peut on dire à un parent ou à un éducateur sur l’attitude à avoir par rapport à un enfant qui s’isole ?
Quand on est un adulte, on a nous-mêmes à prendre en compte nos propres résistances, même quand on est un professionnel ou un parent, au delà de son rôle. Quand on est en situation d’adulte, d’éducateur, on est dans un statut. Notre statut est de protection, de compréhension, d’éducateur, et même d’amour au sens positif du terme, à l’égard d’un enfant ou d’un adolescent. Quand on est dans ce statut, on est en même temps nous-mêmes, c’est à dire qu’on est toujours avec notre propre éventail, notre propre arc-en-ciel qui n’est pas illimité de possibilité, de réflexions, d’actions et de sentiments. Il faut essayer dans la mesure du possible de ne pas être au delà de ce qu’on peut faire.
L’ADOLESCENT NE SUPPORTE PAS LE MENSONGE
Il faut être vrai, il faut être soi même : car si on n’est pas soi-même, l’adolescent n’accepte pas le mensonge et la manipulation. Il ne peut être manipulé que si c’est en résonance totale avec lui même. Il faut être vrai soi-même en montrant ce qu’on peut et ce qu’on ne peut pas. Mais pour être vrai, il faut avoir le courage et le temps. Le temps est extrêmement important pour pourvoir exprimer les choses comme on a envie de les exprimer. Pour le montrer, il faut avoir du courage et le temps de pouvoir exprimer les choses telles qu’on a envie de les exprimer, il ne faut pas faire de psychodrame permanent!
Il ne faut pas être en crise permanente, il faut savoir dire les choses dans un moment où elles peuvent être un minimum entendues. Il ne faut pas le dire au moment où on se sent le plus pressé de les dire. C’est croire qu’en se soulageant de ce qu’on a à dire tout va aller mieux, ceci est faux. Dans le temps, dans l’élaboration, dans le fait que l’on peut reparler des choses. Il ne faut pas dire une chose à un adolescent, il faut le redire différemment. C’est comme ça que les choses se passent. Les procédés magiques ça ne marche pas
Propos recueillis par Ewa Kruk Granger
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17-07-2007
56) À maman – Jan Neruda – (1834-1891)
Tu t’en es allée et dans notre chambrette
je vis maintenant tout seul -
oh mère, ma douce mère,
comment vas-tu là-bas, sous terre ?
Notre petite chambrette
semble vaste, terriblement vide.
Contre sa voûte se cognent
des pensées, des chauves-souris.
Je me tiens blotti près du lit
et mes lèvres tremblent.
Hors d’ici, loin dans le monde !
Chez nous, j’ai si froid !
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17-07-2007
Protégé : 17 juillet
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16-07-2007
Tendresse, de Michel Pilon*
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16-07-2007
Antonin Artaud
J’ai besoin, à côté de moi, d’une femme simple et équilibrée, et dont l’âme inquiète et trouble ne fournirait pas sans cesse un aliment à mon désespoir. Ces derniers temps, je ne te voyais plus sans un sentiment de peur et de malaise. Je sais très bien que c’est ton amour qui te fabrique tes inquiétudes sur mon compte, mais c’est ton âme malade et anormale comme la mienne qui exaspère ces inquiétudes et te ruine le sang. Je ne veux plus vivre auprès de toi dans la crainte. J’ajouterai à cela que j’ai besoin d’une femme qui soit uniquement à moi et que je puisse trouver chez moi à toute heure. Je suis désespéré de solitude. Je ne peux plus rentrer le soir, dans une chambre, seul, et sans aucune des facilités de la vie à portée de ma main. Il me faut un intérieur, et il me le faut tout de suite, et une femme qui s’occupe sans cesse de moi qui suis incapable de m’occuper de rien, qui s’occupe de moi pour les plus petites choses. Une artiste comme toi a sa vie, et ne peut pas faire cela. Tout ce que je te dis est d’un égoïsme féroce, mais c’est ainsi. Il ne m’est même pas nécessaire que cette femme soit très jolie, je ne veux pas non plus qu’elle soit d’une intelligence excessive, ni surtout qu’elle réfléchisse trop. Il me suffit qu’elle soit attachée à moi. Je pense que tu sauras apprécier la grande franchise avec laquelle je te parle et que tu me donneras la preuve d’intelligence suivante : c’est de bien pénétrer que tout ce que je te dis n’a rien à voir avec la puissante tendresse, l’indéracinable sentiment d’amour que j’ai et que j’aurai inaliénablement pour toi, mais ce sentiment n’a rien à voir lui-même avec le courant ordinaire de la vie. Et elle est à vivre, la vie. Il y a trop de choses qui m’unissent à toi pour que je te demande de rompre, je te demande seulement de changer nos rapports, de nous faire chacun une vie différente, mais qui ne nous désunira pas.
Extrait de »L’ombilic des Limbes, Le pèse nerfs », (Poésie-Gallimard)
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16-07-2007
16 juillet
Cette adresse est celle d’une émission diffusée sur France Culture présentée ainsi :
Pendant une semaine, du 25 au 29 décembre 2006, Jean Lebrun vous propose, en contrepoint de la série d’émissions que France Culture consacre pendant les fêtes au thème du désert, une série de cinq émissions sur les solitaires et la solitude. Suite à notre appel à témoins lancé il y a un mois, vous avez été très nombreux à répondre … La preuve ci-dessous.
Figurent donc 78 témoigages donnant parfois une lumière nouvelle sur la solitude.
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15-07-2007
55) Pablo Neruda : Une chanson désespérée
La canción desesperada
Emerge tu recuerdo de la noche en que estoy.
El río anuda al mar su lamento obstinado.
Abandonado como los muelles en el alba.
Es la hora de partir, oh abandonado!
Sobre mi corazón llueven frías corolas.
Oh sentina de escombros, feroz cueva de náufragos!
En ti se acumularon las guerras y los vuelos.
De ti alzaron las alas los pájaros del canto.
Todo te lo tragaste, como la lejanía.
Como el mar, como el tiempo. Todo en ti fue naufragio!
Era la alegre hora del asalto y el beso.
La hora del estupor que ardía como un faro.
Ansiedad de piloto, furia de buzo ciego,
turbia embriaguez de amor, todo en ti fue naufragio!
En la infancia de niebla mi alma alada y herida.
Descubridor perdido, todo en ti fue naufragio!
Te ceñiste al dolor, te agarraste al deseo.
Te tumbó la tristeza, todo en ti fue naufragio!
Hice retroceder la muralla de sombra,
anduve más allá del deseo y del acto.
Oh carne, carne mía, mujer que amé y perdí,
a ti en esta hora húmeda, evoco y hago canto.
Como un vaso albergaste la infinita ternura,
y el infinito olvido te trizó como a un vaso.
Era la negra, negra soledad de las islas,
y allí, mujer de amor, me acogieron tus brazos.
Era la sed y el hambre, y tú fuiste la fruta.
Era el duelo y las ruinas, y tú fuiste el milagro.
Ah mujer, no sé cómo pudiste contenerme
en la tierra de tu alma, y en la cruz de tus brazos!
Mi deseo de ti fue el más terrible y corto,
el más revuelto y ebrio, el más tirante y ávido.
Cementerio de besos, aún hay fuego en tus tumbas,
aún los racimos arden picoteados de pájaros.
Oh la boca mordida, oh los besados miembros,
oh los hambrientos dientes, oh los cuerpos trenzados.
Oh la cópula loca de esperanza y esfuerzo
en que nos anudamos y nos desesperamos.
Y la ternura, leve como el agua y la harina.
Y la palabra apenas comenzada en los labios.
Ese fue mi destino y en él viajó mi anhelo,
y en él cayó mi anhelo, todo en ti fue naufragio!
Oh, sentina de escombros, en ti todo caía,
qué dolor no exprimiste, qué olas no te ahogaron!
De tumbo en tumbo aún llameaste y cantaste.
De pie como un marino en la proa de un barco.
Aún floreciste en cantos, aún rompiste en corrientes.
Oh sentina de escombros, pozo abierto y amargo.
Pálido buzo ciego, desventurado hondero,
descubridor perdido, todo en ti fue naufragio!
Es la hora de partir, la dura y fría hora
que la noche sujeta a todo horario.
El cinturón ruidoso del mar ciñe la costa.
Surgen frías estrellas, emigran negros pájaros.
Abandonado como los muelles en el alba.
Sólo la sombra trémula se retuerce en mis manos.
Ah más allá de todo. Ah más allá de todo.
Es la hora de partir. Oh abandonado!
***
Ton souvenir surgit de la nuit où je suis.
La rivière à la mer noue sa plainte obstinée.
Abandonné comme les quais dans le matin.
C’est l’heure de partir, ô toi l’abandonné!
Des corolles tombant, pluie froide sur mon coeur.
Ô sentine de décombres, grotte féroce au naufragé!
En toi se sont accumulés avec les guerres les envols.
Les oiseaux de mon chant de toi prirent essor.
Tu as tout englouti, comme fait le lointain.
Comme la mer, comme le temps. Et tout en toi fut un naufrage!
De l’assaut, du baiser c’était l’heure joyeuse.
lueur de la stupeur qui brûlait comme un phare.
Anxiété de pilote et furie de plongeur aveugle,
trouble ivresse d’amour, tout en toi fut naufrage!
Mon âme ailée, blessée, dans l’enfance de brume.
Explorateur perdu, tout en toi fut naufrage!
Tu enlaças la douleur, tu t’accrochas au désir.
La tristesse te renversa et tout en toi fut un naufrage!
Mais j’ai fait reculer la muraille de l’ombre,
j’ai marché au-delà du désir et de l’acte.
Ô ma chair, chair de la femme aimée, de la femme perdue,
je t’évoque et je fais de toi un chant à l’heure humide.
Tu reçus l’infinie tendresse comme un vase,
et l’oubli infini te brisa comme un vase.
Dans la noire, la noire solitude des îles,
c’est là, femme d’amour, que tes bras m’accueillirent.
C’était la soif, la faim, et toi tu fus le fruit.
C’était le deuil, les ruines et tu fus le miracle.
Femme, femme, comment as-tu pu m’enfermer
dans la croix de tes bras, la terre de ton âme.
Mon désir de toi fut le plus terrible et le plus court,
le plus désordonné, ivre, tendu, avide.
Cimetière de baisers, dans tes tombes survit le feu,
et becquetée d’oiseaux la grappe brûle encore.
Ô la bouche mordue, ô les membres baisés,
ô les dents affamées, ô les corps enlacés.
Furieux accouplement de l’espoir et l’effort
qui nous noua tous deux et nous désespéra.
La tendresse, son eau, sa farine légère.
Et le mot commencé à peine sur les lèvres.
Ce fut là le destin où allait mon désir,
où mon désir tomba, tout en toi fut naufrage!
Ô sentine de décombres, tout est retombé sur toi,
toute la douleur tu l’as dite et toute la douleur t’étouffe.
De tombe en tombe encore tu brûlas et chantas.
Debout comme un marin à la proue d’un navire.
Et tu as fleuri dans des chants, tu t’es brisé dans des courants.
Ô sentine de décombres, puits ouvert de l’amertume.
Plongeur aveugle et pâle, infortuné frondeur,
explorateur perdu, tout en toi fut naufrage!
C’est l’heure de partir, c’est l’heure dure et froide
que la nuit toujours fixe à la suite des heures.
La mer fait aux rochers sa ceinture de bruit.
Froide l’étoile monte et noir l’oiseau émigre.
Abandonné comme les quais dans le matin.
Et seule dans mes mains se tord l’ombre tremblante.
Oui, bien plus loin que tout. Combien plus loin que tout.
C’est l’heure de partir. Ô toi l’abandonné
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13-07-2007
16) Are You Lonesome Tonight
Are you lonesome tonight
do you miss me tonight
Are you sorry we drifted apart
Does your memory stray to a bright sunny day
When I kissed you and called you sweetheart
Do the chairs in your parlor seem empty and bare
Do you gaze at your doorstep and picture me there
Is your heart filled with pain, shall I come back again
Tell me dear, are you lonesome tonightSpoken:
I wonder if you’re lonesome tonight
You know someone said that the world’s a stage
And each must play a part
Fate had me playing in love you as my sweet heart
Act one was when we met, I loved you at first glance
You read your line so cleverly and never missed a cue
Then came act two, you seemed to change and you acted strange
And why I’ll never know
Honey, you lied when you said you loved me
And I had no cause to doubt you
But I’d rather go on hearing your lies
Than go on living without you
Now the stage is bare and I’m standing there
With emptiness all around
And if you won’t come back to me
Then they can bring the curtain down
Is your heart filled with pain, shall I come back again
Tell me dear, are you lonesome tonight
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09-07-2007
54) Stances – Honorat de Racan – (1589-1670)
Tircis, il faut penser à faire la retraite;
La course de nos jours est plus qu’à demi faite;
L’âge insensiblement nous conduit à la mort:
Nous avons assez vu sur la mer de ce monde
Errer au gré des flots notre nef vagabonde;
Il est temps de jouir des délices du port.
Le bien de la fortune est un bien périssable;
Quand on bâtit sur elle, on bâtit sur le sable;
Plus on est élevé, plus on court de dangers;
Les grands pins sont en butte aux coups de la tempête,
Et la rage des vents brise plutôt le faîte
Des maisons de nos rois que les toits des bergers.
O bienheureux celui qui peut de sa mémoire
Effacer pour jamais ce vain espoir de gloire,
Dont l’inutile soin traverse nos plaisirs;
Et qui, loin retiré de la foule importune,
Vivant dans sa maison, content de sa fortune,
A, selon son pouvoir, mesuré ses désirs!
Il laboure le champ que labourait son père;
Il ne s’informe point de ce qu’on délibère
Dans ces graves conseils d’affaires accablés;
Il voit sans intérêt la mer grosse d’orages,
Et n’observe des vents les sinistres présages,
Que pour le soin qu’il a du salut de ses blés.
Roi de ses passions, il a ce qu’il désire.
Son fertile domaine est son petit empire,
Sa cabane est son Louvre et son Fontainebleau;
Ses champs et ses jardins sont autant de provinces,
Et sans porter envie à la pompe des princes
Se contente chez lui de les voir en tableau.
Il voit de toutes parts combler d’heur sa famille,
La javelle à plein poing tomber sous sa faucille,
Le vendangeur ployer sous le faix des paniers;
Et semble qu’à l’envi les fertiles montagnes,
Les humides vallons, et les grasses campagnes
S’efforcent à remplir sa cave et ses greniers.
Il suit aucune fois un cerf par les foulées,
Dans ces vieilles forêts du peuple reculées,
Et qui même du jour ignorent le flambeau;
Aucune fois des chiens il suit les voix confuses,
Et voit enfin le lièvre, après toutes ses ruses,
Du lieu de sa naissance en faire son tombeau.
Tantôt il se promène au long de ses fontaines,
De qui les petits flots font luire dans les plaines
L’argent de leurs ruisseaux parmi l’or des moissons;
Tantôt il se repose, avecque les bergères,
Sur des lits naturels de mousse et de fougères,
Qui n’ont d’autres rideaux que l’ombre des buissons.
Il soupire en repos l’ennui de sa vieillesse,
Dans ce même foyer où sa tendre jeunesse
A vu dans le berceau ses bras emmaillotés;
Il tient par les moissons registre des années,
Et voit de temps en temps leurs courses enchaînées
Vieillir avecque lui les bois qu’il a plantés.
Il ne va point fouiller aux terres inconnues,
A la merci des vents et des ondes chenues,
Ce que nature avare a caché de trésors;
Et ne recherche point, pour honorer sa vie
De plus illustre mort, ni plus digne d’envie,
Que de mourir au lit où ses pères sont morts.
Il contemple, du port, les insolentes rages
Des vents de la faveur, auteurs de nos orages,
Allumer des mutins les desseins factieux;
Et voit en un clin d’œil, par un contraire échange,
L’un déchiré du peuple au milieu de la fange
Et l’autre à même temps élevé dans les cieux.
S’il ne possède point ces maisons magnifiques,
Ces tours, ces chapiteaux, ces superbes portiques
Où la magnificence étale ses attraits,
Il jouit des beautés qu’ont les saisons nouvelles;
Il voit de la verdure et des fleurs naturelles,
Qu’en ces riches lambris l’on ne voit qu’en portraits.
Crois-moi, retirons-nous hors de la multitude,
Et vivons désormais loin de la servitude
De ces palais dorés où tout le monde accourt:
Sous un chêne élevé les arbrisseaux s’ennuient,
Et devant le soleil tous les astres s’enfuient,
De peur d’être obligés de lui faire la cour.
Après qu’on a suivi sans aucune assurance
Cette vaine faveur qui nous paît d’espérance,
L’envie en un moment tous nos desseins détruit;
Ce n’est qu’une fumée; il n’est rien de si frêle;
Sa plus belle moisson est sujette à la grêle,
Et souvent elle n’a que des fleurs pour du fruit.
Agréables déserts, séjour de l’innocence,
Où loin des vanités, de la magnificence,
Commence mon repos et finit mon tourment,
Vallons, fleuves, rochers, plaisante solitude,
Si vous fûtes témoins de mon inquiétude,
Soyez-le désormais de mon contentement!
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09-07-2007
53) Poème de la solitude et de l’exil – Nicolas Kurtovitch 1988-1997
L’homme est seul irrémédiablement seul et libre totalement libre.
……..Seul il déambule dans le désert en espérant trouver une oasis et quand il la trouve il est incapable de l’habiter
………Dans sa marche le vent cingle sa figure, les pierres arrachent les semelles et le sable dans le vent met ses habits en lambeaux.
………L’homme marche ainsi seul sans oser regarder derrière lui
de peur de réduire la trop courte distance déjà parcourue
………Une distance nue et sans ombre sans que rien n’abrite sa peur, sans qu’il n’est pu trouver d’autres repos qu’à l’ombre des dunes sans d’autres réconforts que de pouvoir encore fixer ses pensées sur le sol.
………L’homme marche ainsi seul sans vraiment regarder sur les côtés de crainte de trop réaliser sa solitude, réaliser sa fatigue, d’être sans compagnon avec qui simplement savoir qu’une heure est passée
………Quoi ! pas même un autre marcheur un parent un ami dans l’épreuve, un inconnu pour lui tenir compagnie
………Serait-il seul à traverser l’espace à relier les bords du monde
………Cet espace serait-il vide
………Les jours s’étendent-ils comme une houle infinie
………L’homme marche ainsi seul regardant en de rares fois quand il en a le courage loin devant lui pour ne pas perdre de vue le but à atteindre
………Il se dit que le but est bien étrange de disparaître comme il le fait à chaque nuit
………Préoccupé par sa marche par ses pieds il baisse son regard et ne distingue plus rien quand il relève la tête. Ses pieds n’ont pas besoin de lui ils savent seuls ce qu’ils ont à faire dans l’étendue de sable et de cailloux d’oueds asséchés, l’étendue de sueur qui s’offrent sans retenue à leur appétits d’articulations mécaniques
………L’homme marche ainsi seul et s’endort encore plus seul
parce que la conscience choisit ce moment pour venir l’habiter
………La nuit n’est d’aucun repos elle n’est que l’imagination du lendemain
………Le matin le surprend à exister encore il s’étonne alors d’avoir
quelques forces vives peu nombreuses mais comme neuves comme nouvelles comme s’il était un autre comme s’il ne s’était pas assoupi la veille
………Aurait-il puisé ses forces dans la nuit dans le refus de répéter une fois de plus un jour identique
………Aurait-il puisé sa joie de repartir dans le silence de la nuit et du désert
………Ces nuits désertiques froides longues effrayantes quand elles s’annoncent avec volupté
………Ces nuits désertiques que j’ai souvent appelées de toutes mes forces croyant qu’elles m’apporteraient davantage de repos et de connaissance
………Ces nuits que j’attends d’un noir absolu ont le devoir d’être un véritable abandon de soi
………L’homme qui marche seul irrémédiablement seul sait pourtant que le silence n’existe pas même ici en plein dénuement et avec le peu d’eau qu’il emporte comme seul bagage
………Echange unique échange mystique du lieuMystère en absence de témoin
………Un échange nécessaire vital et joyeux
………Même si personne n’a jamais conscience de cette joie elle est là permettant le réveil d’un être humain
………Aux matin l’énergie nouvelle se manifeste elle fait que tout est encore possible la marche surtout est possible
………La marche en premier
………Simplement avancer en prenant garde de l’endroit
où je fais reposer le poids de mon corps pour ne pas rompre l’équilibre des dunes
………Les pierres coupent et blessent davantage le matin
………Marcher en attendant le soleil
………Marche en espérant le soleil comme s’il pouvait ne pas revenir
………En premier lieu l’homme seul irrémédiablement seul marche sans toujours savoir pourquoi ni où il se dirige se contentant de la simple action des gestes simples et évidents qui gardent tous leurs secrets
………Pourquoi l’esprit s’allège-t-il pourquoi les idées sont-elles plus claires et plus belles pourquoi les jours de travail sont-ils jours de plage
………Pourquoi l’homme qui avance sans se soucier du vide a-t-il des pensées joyeuses
………Je suis seul dans cette marche à me préoccuper des réponses
………Je suis celui qui regarde l’esprit poser des questions se demander s’il faut un tel regard et répondre que oui
………Oui en criant au ciel oui comme un si j’étais alpiniste et que du haut de la montagne je m’adressais à ce ciel muet
………Je suis celui qui marche avec l’autre qui le regarde qui l’aime d’un amour pur sans limite limpide et joyeux
……… Parce que celui qui marche celui qui semble libre a quitter un jour peut-être tôt le matin comme il se doit un endroit il a quitté je le sais une ville tentaculaire
………La ville est belle pourtant
………Mais il revoit seulement la laideur abandonnée et son cœur se gonfle de liberté
………Il revoit les rues sombres et dangereuses maisons surpeuplées et murs sales
………Il rêve aux journées passées dans la nuit du travail quand le travail est violence
………Il sait qu’une autre vie pouvait être vécue dans ces mêmes lieux
………Il sait cette autre vie d’apparence belle et joyeuse dans des murs blancs et propres
………Cette vie parallèle ne lui plaît pas davantage elle engendre l’autre et s’en nourrie
………Il s’en va sans faire de déclaration sans rien avoir écrit ni dit simplement il s’en va
………Dans le tumulte et l’aisance je discerne encore le silence surtout le silence aucun besoin de désert pour cela je respire et j’apprécie
………Quel est le mirage qui se dissimule ainsi
derrière le voile d’une marche à multiples directions
………Les vérités sont parfois pudiques et préfèrent s’effacer devant le grand nombre. Elles se gardent alors pour un seul homme une seule femme un seul cœur
………J’ai un jour rencontré un homme qui n’était pas seul
ici dans le désert il voyageait avec son troupeau
………Un de ces hommes qui ne se déplacent jamais sans ses bêtes ni sans ses femmes
………Chacune peuplant un moment de sa vie les unes le jour et le désert
………Les autres plus sauvages encore les nuits et les rêves de cet homme comblé
………Les unes sont fidèles et dociles toujours à l’écoute s’il parle un langage simple
………Les autres insaisissables et terribles ont chaque fois besoin de nouvelles promesses
………Mais toutes sur sa présence au monde lui apportent un regard serein le jour sur la terre et le sable la nuit sur les hommes qui s’agitent et la respiration cosmique
………A cet homme les bêtes parlent
elles lui racontent les histoires du désert
………Derrières les dunes et dans les grottes cachées sous les ergs de mystérieuses célébrations ont lieu
………Elles lui disent ce qu’il doit savoir pour continuer à vivre ainsi
………Elles se satisfont d’une herbe rare et maigre d’une eau sales à peine suffisante du moment qu’il reste là à les guider de son bâton
………Et lui n’est jamais seul
………Dieu fait que les rêves de cet hommes soient portés à tout le monde que ses femmes ne restent pas enfermées dans son sommeil qu’elles s’en échappent et deviennent comme le vent au-dessus de la houle
………Qu’elles soient les guides de chacun dans ce désert où nous somme entrés ignorants des règles de vie
………Qu’elles soient à la fois la rencontre de l’oasis et la parole pour y être admis
………Qu’elles soient nos pieds légers et résistants nos habits de cuir et notre regard perçant qu’elles soient la direction
………L’homme est libre irrémédiablement libre
de cette liberté souvent trop lourde à porter qu’il finit par déposer sa foi aux pieds des dieux et des prêtres oubliant son désir de marcher seul
………Malgré son troupeau malgré ses nuits et l’amour comblé la solitude et le désert restent tous deux de terribles exils
ils cachent d’autres exils encore plus effroyable plus tristes et plus durs mieux vaudrait en ce qui les concerne la mort
mille fois la mort plutôt que ces exils-là
………Voici à propos de ces exiles ce que pourrait dire une grande partie des hommes et des femmes qui traversent un sable et une pierraille jusque là inconnus
………Où sont nos terres où sont nos collines avons-nous quelque part des dunes des ergs et des oueds asséchés
avons nous ne serait-ce que du vent sur notre visage un vent venu jusqu’à nous après avoir traversé nos pelouses et nos prairies l’océan de nos pères
………Où pouvons-nous poser nos fardeaux et reposer nos femmes
………Où pouvons-nous nous asseoir et dire que l’espace alentour
a porté nos anciens qu’il portera notre futur
………Sur quel tertre poser ma tête m’endormir confiant fermer les yeux trouver le repos
………Combien d’appel sont retombés du ciel où je les avais jetés avec espoir qui ont roulé au bas de lits de pierres
………Combien de mots d’amour n’ont pas été entendus alors que j’y avais mis tout mon cœur
………Combien de gestes combien de dons combien combien de tout ce qui fait
que l’homme n’est pas seul se sont perdus dans l’exil
………L’homme n’est pas fait pour vivre en perpétuel étranger
Ignorant des lieux qu’il habite
………Pourtant l’homme s’est adapté et se plie aux exigences l’homme respire l’air nouveau et semble connaître les chemins obligés
………Comme quelqu’un rompus aux échanges et aux devoirs
il est dans la foule comme un fils du peuple
………Il a l’apparence de la mémoire et de la connaissance de l’amour et de la joie du pays où il s’installe
………Il a l’activité et l’allant de ses nouveaux amis il sait les gestes à faire les paroles à dire
………Il sait les choses nouvelles de sa vie
………Il sème récolte taille et sculpte le bois polie le métal
………Il est comme le peintre quelqu’un qui peindrait son propre visage par l’envers de la toile. Il est excellent peintre et personne ne réalise la supercherie
………Sous ce tableau d’autres hommes mangent et se parlent
………Cet homme en secret est comme un chef de clan et de tribu qui aurait perdu à la guerre toutes ses femmes il en rêve la nuit et en parle en dormant ses journées sont fades et tristes
………Il les revoit toutes
leur visage se détachent à leur tour devant ses yeux pour chacune il a une passion pour chacune il a un désir particulier
………Il les revoit comme l’autre revoit ses collines ou ses montagnes ses courtes rivières son fleuve majestueux ses plages ses falaises solides devant la mer
………Il ressent ses femmes et leur absence sur son âme comme on ressent par mémoire une caresse
le vent sur le visage et la fraîcheur des souvenirs sur la peau
………Où sont mes femmes se dit-il sont-elles libres et joyeuses sont-elles encore amoureuses de leurs enfants et du père
ont-elles un lieu où se retirer pour penser
………L’homme en exil est comme ce chef
triste et seul à jamais il n’a plus que le sommeil et le rêve en espérant que ces rêves au goût de fruit reviennent à chaque nuit
………Il vit sa solitude dans le désert
il s’invente une route qui le reconduirait chez lui qu’elle autre route
que la mort pourrait le conduire à sa maison
………Il meurt sans réaliser que cette route imaginée a été un espoir une force gigantesque qui l’a tenu en vie jusque maintenant qui a fait que son sang ne se glaçait pas sa vue ne se brouillait pas ses mains gardaient leur énergie
………Il pouvait encore entendre les chants et les poèmes de lointains compagnons d’exil il pouvait à son tour composer et réciter des chants de tristesse des poèmes connus de lui seul
………Mais De cet autre exil de l’exil de ceux qui n’ont jamais eu de terre ni de fleuve de ceux qui n’ont jamais eu de clan ni de tribu
de femmes ne de souvenirs qui n’ont été portés par aucun courant par aucun alizé
………De l’exil de ceux qui n’ont jamais rien perdu parce qu’ils n’avaient rien engendré des arbres déracinés n’ayant jamais eu de racines
………De cet exil qui en parle
qui trouve les mots les gestes les regards qui font aimer et vivre avec bonheur
……… Ces exilés ces désertiques
accumulent les biens matériel et autres objets sans usages
ils ont toute prête au fond de leur cœur la réponse si on leur en fait reproche
………Qu’une terre quelque part est plus chaude au cœur et à l’esprit
qu’un ramassis de plastique et de métal voué à la pourriture
………Quand viendra-t-il celui qui parlera de nous ?
Quelqu’un ayant la force de traverser les murs de chaire et d’os de trouer les silences de courir les rivières
………Il devra montrer son corps dire les paroles qui dévoileront son visage et son nom il fera un don et ensuite seulement il écrira notre histoire
………Mais pour l’heure où est-il ? Personne ! Ne sait sait-on seulement s’il existe déjà ? Sait-on si quelqu’un s’apprête à l’engendrer aujourd’hui ?
………Il n’aura besoin ni de pays ni de tertre il sera celui de partout l’homme de la terre il saura toute les souffrances
il retiendra les pleurs comme un seul et unique cri dans ce cri il distinguera le nôtre
………En échange de notre dénuement il aura des chants des poèmes des couleurs et des sons adressés à nos cœurs
………Aurons-nous la patience de l’attendre
………Aurons-nous le désir puissant et durable ? Il y a si longtemps que notre sang a quitté la terre pour l’exil que nous n’avons plus de mémoire.
………Que sont donc ces exils sans mémoire ces rocs pulvérisés qui créent les déserts
………Que sont ces hommes sans généalogies à offrir à leurs enfants pas même une série de dates une série de lieux une voie au pire un simple tracé sur le sol de terre battue
………Que sont ces faux tziganes qui parcourent le monde
sans avoir la terre entière comme patrie qui n’ont aucun chant aucune saga qui sont les peuples muets
………( s’il vient cet ombre de soi voici le poème qu’il aura dit d’une belle voix
………le poème qu’ils ont tous écrit
………qu’ils m’ont dicté que mon corps a retenu
……… quand la souffrance est dans chaque cellule dans l’esprit et le cœur )
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09-07-2007
Villes, solitude et compagnie, par Christophe Gallaz
La ville est un amoncellement. C’est un sédiment. Dans la ville il y a des traces et des fragments d’expériences accomplies par les humains depuis le fond des âges. C’est un empilement sans signatures forcément connues ou certifiées de désirs, de craintes, de besoins, d’actes réussis ou ratés, de songes tranquilles ou désespérés, et d’étirements vers l’absolu. C’est un récit dont nous pouvons conjecturer le déroulement en filigrane de toute ville, Tokyo, Londres, Paris, Genève ou Lausanne. Et ce récit s’ordonne en deux pans opposés autour d’un seul axe – qui est celui du sentiment de solitude.
La ville est d’une part une construction contre le sentiment de solitude, d’autre part une fabrique de solitude conçue comme telle. Tout discours décrivant la ville comme un lieu qui ferait exclusivement se rencontrer les êtres, et qui les mettrait exclusivement en état d’intelligence mutuelle, de politique au sens communautaire du terme, et de culture, serait stupide. Il relèverait de la promotion publicitaire propre aux Offices du tourisme, et désignerait essentiellement l’aveuglement de celle ou de celui qui, périssant de nostalgie campagnarde, n’oserait l’avouer tant l’imprégnerait sa terreur de paraître à ses congénères arriéré, conservateur et bouseux.
Nous avons tous besoin d’éprouver un sentiment de solitude. Nous sommes faits pour cela. Notre naissance est une précipitation de notre être dans un mélange de solitude et de congénères. Nous avons tous besoin que notre sentiment de solitude visite constamment notre sentiment de côtoyer ceux-ci. Seul le sentiment de solitude rend le côtoiement de nos congénères fertile. Seul le sentiment de solitude nous permet de faire nôtre ce que nous prélevons auprès d’eux. Notre sentiment de solitude est la condition qui permet à chacun d’entre nous de dépasser notre échelle individuelle – et ce dépassement de l’échelle individuelle est la condition qui permet à chaque communauté de se maintenir ou de progresser en état de civilité. Si nous n’éprouvions pas notre content de sentiment de solitude, nous ne serions ni des êtres aptes à l’existence en société, ni des êtres capables d’étirer notre âme en direction des étoiles et des dieux.
L’histoire millénaire de la ville est moins celle d’une massification démographique, marchande ou communicante que celle d’un tracé constamment réadapté de la solitude ressentie par les humains au cours des âges. C’est ce tracé qu’il faut essayer de déceler ou de conjecturer. Entre le sentiment de solitude ressenti par nos ancêtres anonymes au fond de leurs paysages d’avant les âges historiques répertoriés, et le sentiment de solitude éprouvé par nos congénères et nous-mêmes aujourd’hui, au fond des supermarchés commerciaux ou des multisalles de projection cinématographique, il y a des similitudes, il y a des constantes, et bien sûr tout a changé.
*** Le récit de la ville commence dans la forêt primitive et par elle. Avant que le moindre refuge naturel fiable ne soit trouvé, ni que le moindre refuge artificiel ne soit construit, grottes ou maisons agrégées en villages, l’espace habité par les humains n’est que taillis, clairières à peine dégagées, portions solides de marécages et bords de rivières, de fleuves et de mers ou d’océans.
L’insécurité règne alors dans la mesure où la menace et le risque peuvent survenir de n’importe où, sous n’importe quelle forme et n’importe quand. L’humain s’approprie pourtant déjà mentalement le décor ambiant pour s’en faire une instance familière et lui prêter la compétence de signifier l’existence et la fidélité d’une protection tutélaire. La forêt, dans le même temps qu’elle suscite l’inquiétude et le qui-vive permanents, devient le champ symbolique de la vie préservée, et surtout de la vie qui réapparaît nécessairement après la mort. Le pressentiment inquiétant de cette mort toujours possible est compensé par le pressentiment rassurant que mille autres présences frémissantes se tiennent postées dans les parages, sous l’égide de puissances invisibles attentives à tout.
Des dizaines de milliers d’années plus tard, je veux dire aujourd’hui, l’expérience de la forêt primitive subsiste, sous d’innombrables formes allant du regret à la transposition, dans l’expérience quotidienne que font les citadins de leur décor. Ceux-ci se précipitent dès qu’ils le peuvent à l’orée des villes les plus up-to-date afin de rejoindre leurs périphéries arborées, pour y faire rôtir un gigot de bétail domestique qui puisse leur évoquer d’antiques cuissots d’aurochs ou de sanglier; à moins qu’ils y courent à perdre haleine dans leurs survêtements de jogging, comme s’ils étaient pourchassés jusque dans leur inconscient par d’inexplicables prédateurs; à moins qu’ils se promènent dans la futaie bétonnée des immeubles-tours au cœur d’une métropole, investis de la même impression qui gouverne les faucons pèlerins à New York, ces rapaces en voie de diminution partout ailleurs sur la planète, mais qui prospèrent en ces lieux parce qu’ils croient là-bas se percher et nicher sur des falaises inaccessibles au-dessus d’un terrain de chasse grouillant de proies – tandis que les humains croyants ou bigots se pressent de leur côté sur le chemin des cathédrales, à la fois avatar minéralisé des sous-bois anciens peuplés de troncs sculptés, lieu de clair-obscur imitant la pénombre sylvestre, et champ d’adoration conçu pour invoquer les dieux qui veillent dans le ciel au-delà des flèches imitant les cimes.
Qu’il séjourne dans la forêt primitive ou qu’il fréquente les forêts policées ou converties dans la pierre architecturale du XXIe siècle, c’est toujours le même équilibre subtil que l’humain s’efforce d’établir entre un sentiment de réconfort induit par le voisinage de ses congénères et un sentiment de solitude – seul propice à ses émotions telluriques comme à ses émotions sacrées. L’accroissement quantitatif et qualitatif des villes au fil des générations, ou ces étapes décisives du progrès qui s’appellent l’invention de l’eau chaude et du fil électronique à couper le beurre, n’y ont strictement rien changé. A mesure que l’Histoire avance, nous continuons à munir toutes les pratiques et tous les chantiers de la modernité de ce que nous supposons apte à nous tenir lieu de ces feuilles et de ces ramures qui nous allégeaient jadis de leur frémissement, ou de ces branches et de leurs dentelles qui nous faisaient entrevoir le ciel, afin que nous puissions percevoir le seul battement de notre cœur.
***
Ensuite, au hasard de ses déambulations forestières, l’humain découvre une caverne où s’abriter. D’emblée celle-ci lui procure une sensation contradictoire, qui restera sienne à l’intérieur de tous ses logements ultérieurs successifs et déterminera profondément sa complexion psychologique, jusqu’à la nôtre au sein des mégalopoles actuelles: d’une part elle le préserve physiquement de l’extérieur, et favorise sa mise en communauté familiale, mais d’autre part elle l’empêche de s’impliquer dans un processus de socialisation plus large, et le dépouille de toute affinité concrète et de toute solidarité pratique avec l’univers naturel, ses hôtes animaux et végétaux, et le jeu des saisons. Le huis clos rocheux tout à la fois protège et incarcère.
L’humain sait comment répondre à ce piège. Il commence à dessiner et à peindre sur les parois de son refuge la silhouette de ses propres congénères, particulièrement des animaux qu’il pourchasse ou se contente d’apercevoir en battant la campagne. Ces tracés polychromes augurent beaucoup d’éléments à venir. Ils annoncent de façon singulière non seulement l’art de la représentation figurative et non-figurative, et non seulement l’art fondé sur la mise au point et l’usage de langages parlés puis écrits, mais aussi cette habitude, acquise infiniment plus tard, d’équiper toutes les demeures humaines de hublots, de claires-voies, de lunettes, de lucarnes, de fenêtres et de baies vitrées les plus panoramiques possibles. C’en est au point qu’on peut dire de l’art, comme on peut dire de la fenêtre et de la baie vitrée, exactement ce qu’on a dit tout à l’heure de la ville succédant à la forêt primitive: ils sont pensés par l’humain à la fois pour constituer ses moyens de partage et d’échange avec autrui, et pour constituer ses moyens d’éprouver un sentiment de solitude intime.
Quand vous contemplez un dessin de bison tracé sur une paroi de la grotte de Lascaux ou de Chauvet, une œuvre de Raphaël ou de Picasso dans un musée, ou quand vous regardez le décor environnant par la fenêtre de votre appartement de Bremblens ou des Pâquis, ce n’est pas seulement que vous vous efforcez de rencontrer l’Autre et les Autres dans l’espace extérieur où ils se tiennent par principe. C’est aussi que vous choisissez de vous maintenir à distance de cet Autre et de ces Autres pour que, tout en les apercevant, vous n’en soyez pas excessivement atteint et puissiez continuer à jouir de votre irréductible quant-à-soi. Et c’est aussi que vous vous enfuyez mentalement du refuge même que vous avez élu pour vous y loger, afin de quitter momentanément le milieu concentrationnaire et pourtant élu qu’incarne votre famille, votre clan ou votre tribu. La culture inaugurée dans les cavernes de jadis, muée de nos jours en industrie consensuelle par tous les pouvoirs séculiers en exercice, et la fabrication des fenêtres et des baies vitrées, attestent aussi ce champ de silence et de vide grâce auquel je tente de me retrouver à mi-chemin des Autres et de ceux que je nomme «les miens».
***
L’étape suivante est celle des madriers que l’on arrime les uns aux autres pour en constituer des façades de bois montées en charpente, et celle des murs assemblés pierre à pierre, et du chaume ou des ardoises que l’on pose en toiture par-dessus. De la caverne élaborée par la nature, on passe à la maison fabriquée. L’artificiel paraît, et la main de l’humain s’enorgueillit. Se mettre à l’abri n’est plus une possibilité que dispensent la bonne fortune naturelle ou quelque ordonnateur céleste. C’est une conquête sur l’espace ambiant, une victoire volontaire sur l’adversité, une démonstration du pouvoir humain sur le donné qui préexiste à son action. La tournure de l’esprit humain est amorcée, qui finira par investir en la dévastant l’intégralité du globe terrestre aux XXe et XXIe siècles, à force de supposer celui-ci reconstructible à l’envi, c’est-à-dire en principe destructible sans conséquence qui ne soit réversible.
Ces circonstances modifient la relation, déjà connue depuis les temps de la forêt primitive, qu’entretient l’humain entre son besoin de côtoyer ses congénères et celui d’éprouver un sentiment de solitude. Un curseur équipe désormais cette équation. En s’avérant capable de configurer les domaines de son habitat, la forme et bientôt les dimensions de son domicile, l’humain devient maître d’un choix qui deviendra l’un des enjeux majeurs de l’art politique. Il peut soit ne pas concourir à l’établissement de ce qu’on appellera plus tard des villes, soit s’entasser progressivement avec ses congénères dans ces villes, géographiquement et spatialement parlant, de manière à former ce qui s’appellera plus tard le peuple, soit s’isoler dans l’entassement même de ce peuple, pour se confiner dans ce qui s’appellera plus tard le quant-à-soi des sages et des philosophes, ou dans le quant-à-soi des bourgeois, ou dans l’autisme social et culturel, ou dans l’anonymat régénérateur ou désespérant au sein de la foule. Et il peut, surtout, régler la proportion respective de ces différents termes.
Le tissu bâti des villes actuelles n’est donc pas la résultante de paramètres exclusivement dictés par la géographie naturelle, l’Histoire, la conjoncture économique et ce que l’art politique peut gérer de tout cela. Il est aussi la cristallisation de cette dialectique déjà ressentie face aux parois de la caverne, qui protègent l’humain tout en l’enfermant dans son propre champ domestique, tout en le disjoignent du domaine extérieur où se tiennent les Autres.
Comment procéder? Faut-il allonger les barres de logements collectifs, de telle sorte que chaque humain se sentant solitaire entre ses quatre murs à lui, se réjouisse de n’être pas le seul à se sentir ainsi? Faut-il plutôt les élever en gratte-ciel, pour que chaque humain se sentant oppressé par «les siens» gagne sur eux un privilège de solitude croissant au fil des étages – à force d’acquérir suffisamment de vue, justement qualifiée d’imprenable, qui lui permettre de se recueillir grâce à l’immensité du vide céleste? Et si ni l’option de l’allongement des barres de logements collectifs ni celle de leur élévation ne font solution au problème, comment accomplir ce rituel crucial qui commande au Moi d’empoigner un manche à balai pour frapper le plafond de la cuisine ou du salon quand les Autres nous envahissent par trop de bruit?
***
Entre les chaumières, les immeubles locatifs ou les ensembles de gratte-ciel, on trace aussitôt des chemins, des ruelles, des rues ou des avenues. Il s’agit évidemment de faciliter grâce à ces infrastructures vouées au passage des humains et des marchandises tout ce qui relève du partage ou de l’échange entre eux, et concourt par conséquent à la constitution du tissu communautaire qui les englobe dans sa trame, au sein de laquelle peuvent à leur tour transiter la parole et les gestes utiles autant que la parole poétique, qui sont les moyens de la culture et de l’économie.
En certains secteurs de certaines villes actuelles, celles-ci fussent-elles grandes, ces voies de circulation produisent leur pesant de liens interhumains effectivement positifs. Autour des bâtiments d’habitation s’établissent en effet l’épicerie, le salon-lavoir et le café-restaurant, et non loin de ces derniers l’office postal et la bibliothèque publique, qui tous ensemble instituent ce qu’on désigne par l’expression «vie de quartier». Paris elle-même est truffée de ces zones post-villageoises, dont chaque piéton s’imagine et dit encore aimer le «pavé» – alors même que ce dernier a disparu depuis longtemps, pour s’endormir de son meilleur sommeil archéologique, sous l’asphalte ou le béton rendus indispensables par l’avènement du trafic automobile et les impératifs du moindre coût.
Mais dans le même temps qu’elles nous dispensent ce bénéfice de côtoiement, les voies de circulation nous valent aussi leur pesant de liens interhumains négatifs, au sens moins moral que quasiment technique du mot. Les chemins, les ruelles, les rues et les avenues sont en effet les lieux d’une abrasion formidable. Elles abolissent celle ou celui que j’y croise au gré de mes pas. Quand je marche en ville, j’accomplis une opération dont la caractéristique essentielle est mon indifférence éprouvée vis-à-vis de l’Autre. Et non seulement essentielle, cette caractéristique, mais nécessaire.
Il se passe en effet, au gré de ma progression le long des voies de circulation urbaines, exactement ce qui passe quand je regarde le journal télévisé du soir. Si je me trouvais alors en état de sympathie réelle avec les damnés de la planète dont le tourment filmé me bombarde quotidiennement, j’imploserais de douleur et ne pourrais de surcroît regarder le journal télévisé du lendemain. Autrement dit je deviendrais dysfonctionnant et contribuerais à gripper l’appareil télévisuel ambiant, élément cardinal de la machine économique globale. De même, si je consacrais toute l’attention possible aux passantes et aux passants que je croise sur les voies de circulation urbaines, je serais insupportablement gavé de leur personne ou de leur figure. Et à supposer que je n’en sois pas insupportablement gavé, je concourrais à muer la ville en un rassemblement d’humains perpétuellement crypto-fusionnels ou crypto-fusionnés, une sorte de grumeau total constitué de badauds et de bavards à plein temps, au lieu d’être un espace où les identités et les énergies se désagrègent suffisamment pour s’agencer en dispositif productif.
A nouveau rayonne ici, on le constate, l’équilibre que l’humain tente immémorialement d’établir entre son premier besoin de côtoyer ses congénères et son second besoin d’éprouver un sentiment de solitude. Mais cette étape-ci transforme radicalement l’entreprise. Jusqu’ici l’humain s’était contenté, pour se préserver de l’excès de présence invasive représenté par ses congénères, de se barricader derrière les murs de sa caverne puis de sa maison. Cette fois, purement et simplement, il les efface mentalement autour de lui. Il les abolit. Il leur enlève la réalité de leur présence à ses côtés. Se sentir anonyme au milieu de la foule est le résultat de ce crime insigne et permanent que nous avons graduellement appris à commettre non seulement contre l’humanité qui nous environne en ville, mais aussi contre celle qui nous environne au-delà de la ville, et dont nous apercevons l’image qu’en diffusent la presse écrite et la télévision.
C’est en cela que la ville moderne est un lieu tragique, adjectif dont le dictionnaire nous explique qu’il évoque «une situation où l’homme prend douloureusement conscience d’un destin ou d’une fatalité qui pèse sur sa vie, sa nature ou sa condition même». En ville nous sommes en état de conflit intérieur forcé. Pour que nous y survivions comme les créatures méditantes et pensives que nous sommes, nous devons continuellement y faire disparaître l’Autre, dont la présence innombrable déborde en proportions affolantes nos compétences d’accueil et de gestion fraternels – alors même que son côtoiement nous réchauffe incomparablement. A leur manière, les arts plastiques et cinématographique attestent ce forfait obligatoire. Après avoir manifesté durant des millénaires la volonté de faire apparaître la silhouette humaine, au gré de stylisations successives infinies, ils s’instituent depuis le début du siècle dernier comme une tentative de la faire disparaître au gré de tous les moyens imaginables: brisée par le cubisme de Pablo Picasso, dissoute sur la toile par Francis Bacon, ou démontée puis remontée sur grand écran par Jean-Luc Godard. Aucune de ces démarches artistiques ne vise autre chose qu’à visiter l’attente angoissée du spectateur type admirant l’œuvre, qui est un spectateur majoritairement citadin, et réclame par conséquent la disparition des figures aperçues sur la toile ou dans les salles obscures pour s’aménager personnellement l’espace d’un quant-à-soi nourricier.
***
Maints politiciens de notre époque, et beaucoup de ceux qui se penchent en intellectuels sur le thème de la ville, ne comprennent pas ce schéma. Imprégnés comme la majorité d’entre nous par des savoir-penser ruraux résiduels tenaces, par leur inavouable mélancolie personnelle face au temps qui passe et transforme nos décors et nos modes d’existence, et par leur souci démagogique de s’attacher leur électorat du secteur tertiaire qui regrette encore basiquement l’odeur des pommes cueillies dans le verger grand-maternel, ils voient moins dans le sentiment de solitude éprouvé par les humains dans la ville moderne la marque d’un désir peut-être mal satisfait que celle d’une fatalité compacte – contre laquelle il faut par conséquent lutter par tous les moyens, notamment ceux qui seraient susceptibles d’évoquer, sur un mode idéalement jardiné, la verdure ancestrale.
C’est ainsi que la dimension poétiquement tragique de la ville évoquée tout à l’heure fait l’objet d’une réception prosaïquement mélodramatique. La ville n’est pas comprise en tant que telle. Elle n’est pas comprise comme un avatar lointain de la forêt primitive, différent de cette dernière matériellement, bien sûr, de même que son tissu bâti n’est pas compris comme un avatar lointain des cavernes, des maisons et des villages édifiés au fil des âges. Je fais l’hypothèse que ce qui se joue dans l’esprit des humains par rapport à ces décors successifs n’a presque pas changé. Nous avons besoin d’éprouver un sentiment de solitude en ville comme nous avions besoin de l’éprouver dans la forêt puis à l’abri de nos cavernes, de nos maisons et de nos villages.
Le problème est que nous n’osons pas penser cela. Nous n’osons pas penser la ville comme un lieu propice à l’état de solitude qui nous est nécessaire. Le sentiment de solitude que nous ressentons dans la ville vient faire injure, dans notre esprit, à l’idéal que nous assignons au fait de la ville, et qui est un idéal de rassemblement convivial. Le sentiment de solitude que nous ressentons dans la ville, nous ne savons pas le faire nôtre. Nous le confondons avec l’inverse du progrès. Nous ne savons pas comment l’exploiter. Nous le dénigrons parce qu’il consacre trop notre impuissance à le comprendre. Rares sont celles et ceux qui cherchent à savoir de quelle extase ou de quel langage le sentiment de solitude est peut-être la matrice ou la condition. Nous nous aveuglons à son propos tant nous regrettons le sentiment de solitude ancien, si positivement connoté par nos congénères au cours des siècles – celui dont nous allons rechercher désespérément les souvenirs médiocres à l’orée des villes en rejoignant leurs périphéries arborées, pour y faire rôtir un gigot de bétail domestique apte à nous évoquer d’antiques cuissots d’aurochs ou de sanglier, ou pour y courir à perdre haleine dans nos survêtements de jogging – à moins que nous nous pressions sur le chemin des cathédrales, ces forêts minérales imitant la pénombre et la futaie sylvestres.
Nous sommes encore trop arriérés pour vivre en ville, sans doute. Nous n’avons pas évolué dans la même mesure que s’est produite l’évolution durant les siècles de la forêt primitive à la caverne, puis aux maisons construites artificiellement, puis aux villages. A moins qu’il faille penser et dire exactement l’inverse, qui ne change peut-être rien: nous nous sommes intégralement trompés, les millénaires se sont écoulés en nous amenant à l’inverse de ce qui nous aurait convenu, et les villes ne sont pas faites pour nous.
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08-07-2007
51) Le bateau ivre
Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
J’étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m’ont laissé descendre où je voulais.
Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l’autre hiver, plus sourd que les cerveaux d’enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N’ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.
La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots
Qu’on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l’œil niais des falots !
Plus douce qu’aux enfants la chair des pommes sûres,
L’eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.
Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d’astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;
Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rhythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l’alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l’amour !
Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : je sais le soir,
L’Aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes,
Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir !
J’ai vu le soleil bas, taché d’horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !
J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l’éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !
J’ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries
Hystériques, la houle à l’assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !
J’ai heurté, savez-vous, d’incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
D’hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l’horizon des mers, à de glauques troupeaux !
J’ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulements d’eaux au milieu des bonaces,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !
Glaciers, soleils d’argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés des punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !
J’aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d’or, ces poissons chantants.
- Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d’ineffables vents m’ont ailé par instants.
Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d’ombre aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu’une femme à genoux…
Presque île, ballottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d’oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.
Et je voguais, lorsqu’à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir, à reculons !
Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l’ouragan dans l’éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N’auraient pas repêché la carcasse ivre d’eau ;
Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d’azur ;
Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;
Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l’Europe aux anciens parapets !
J’ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
- Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t’exiles,
Million d’oiseaux d’or, ô future Vigueur ?
Mais, vrai, j’ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L’âcre amour m’a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j’aille à la mer !
Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.
Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l’orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.
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06-07-2007
Seule, par Pavlina
Seule, toujours seule, toujours cette solitude qui est là, mais pourquoi ? Pour qui ? Puisque l’on dit que dans la vie tout a un sens alors que l’on m’explique cette solitude qui est ma plus grande et fidèle compagne ? Pourquoi ne suis-je pas comme les autres ? Ou alors les autres sont comme moi mais elles arrivent à mieux le cacher ? ! Je ne crois pas ! Néant moins, je suis toujours aussi seule sans personne à qui parler, sans personne pour m’écouter. Que m’arrive-t-il ? Pourquoi suis-je autant perdue ? J’ ai l’impression que je perd le cours de la vie, je ne sais plus quoi faire ! Y-a-t-il quelqu’un, quelque part qui peut me répondre et m’aider ? Quelqu’un qui puisse m’écouter et enfin combler cette solitude ? ! Quelqu’un qui puisse m’aimer… Suis-je en mal d’amour ? Peut être mais je suis toujours aussi seule. Est-ce dans ma tête que cela ne va pas ou suis-je seulement entrain de passer une petite crise ? Toujours des questions, malheureusement, elles restent sans réponses car je n’ai personne pour y répondre, personne pour me comprendre, si ce n’est que cette solitude qui reste aussi à mon goût parfois trop silencieuse. Je suis lasse d’être seule… Pavlina
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06-07-2007
15) Marc Lavoine : Chère amie
Paroles: Marc Lavoine. Musique: F.Aboulker
Je pense à vous souvent
Je continue quand même
D’aimer les bateaux blancs
Que le désir entraîne
Je manque de vous souvent
Mais je m’en vais quand même
Laisser voler le vent
Qui souffle sur la peine
{Refrain:}
Chère amie, je vous envoie ces quelques mots
Pour vous dire qu’il ne fait pas beau
Et que j’ai mal, seul, depuis que je vous ai perdue
Je vous écris ces quelques fleurs
Avec mon cœur à l’intérieur
Je vous fais toutes mes excuses
Je rêve à vous souvent
Je me souviens de tout
Je me réveille à temps
Mais je vous vois partout
Je vous attends souvent
J’invente un rendez-vous
Vous n’avez plus le temps
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05-07-2007
Robinson Crusoé, par Bernard Noël
Personnage du roman homonyme (1719) de Daniel de Foë. D’abord une image d’Epinal : un homme vétu de peaux de chèvres, nanti d’un haut chapeau pointu et d’un immense parasol, également en peaux, un fusil à la main, un autre en bandoulière, et la ceinture chargée d’une hache, d’un couteau et d’une poire à poudre ; puis, quand l’imagination a rêvé sur tout cet attirail, le visage de l’homme naît, impose sa présence et raconte son histoire. Dès lors, on ne se demandera jamais quel est son caractère. Son nom suffit qui fait lever une île, au jour le jour conquise et habitée. Tout en lui s’identifie à sa patience quotidienne, à sa besogne inlassablement poursuivie pour se créer des conditions de vie acceptables et repousser le découragement. Son aventure tient en quelques mots : jeté sur une île déserte, il y a vécu durant plus d’un quart de siècle. L’intérêt de cette aventure ne vient pas cependant de la situation dramatique qui la commande, il est centré sur les conditions journalières de la « résistance » et de la vie de Robinson : comment il réussit à se nourrir, à se vêtir, à se loger ! Pas d’épopée ni d’angoisse métaphysique, mais le récit de ce qu’il y a apparemment de plus banal au monde ; la puissance inépuisable du travail ; thème unique qui est développé par l’accumulation de faits précis : Robinson récupères des vivres, des armes, des outils, Robinson bâtit, etc. Le sens de cet effort, à la fois humble et prodigieux, est multiple : pour l’homme du XVIIIe s., le marin et le colon, il représentait l’épreuve la plus terrible et le moyen de la surmonter ; pour Rousseau, qui fit la réputation littéraire du livre, la vie de Robinson était » le plus heureux traité d’éducation naturelle « , et il n’en voulait pas d’autre pour servir de base à l’instruction et à la formation d’Emile ; pour nous, enchaînés par la vie moderne et « dévitalisés » par elle, l’île déserte apparait plutôt comme un moyen de retrouver une vie épanouie et complète. On peut, ainsi, utiliser Robinson au gré des systèmes et des siècles, le rêver ou le penser, cela prouve son extraordinaire vitalité mythique, mais » cela » se développe à côté d’elle. Lui reste intact. Si l’on interroge son visage, son moi d’homme, on y découvre une force anonyme, qu’on peut baptiser, la force « Robinson », mais qui représente seulement une des constantes de l’humanité : « l’invincible patience dans la misère, l’application infatigable et indonmptable résolution dans les circonstances les plus décourageantes qui soient » (De Foë) ; d’ou sa valeur éternelle et l’éternelle présence de Robinson, chacune pouvant toujours puiser à son exemple.
Par ailleurs, bien qu’il s’adjoigne tardivement la compagnie de Vendredi, Robinson est l’homme seul. Prisonnier au secret dans son île déserte, il ne lui suffit pas de survivre matériellement, il doit encore écarter le vertige et la folie de la solitude. Malraux a écrit que, seuls trois livres résistaient à la prison : Don Quichotte, Robinson Crusoë et L’Idiot. C’est justement que chacun est une leçon de résistance à la solitude. Ce que Don Quichotte par l’amour et l’imagination, Muichkine par la sainteté, Robinson y arrive par le travail quotidien. Et telle est son ultime leçon : la labeur journalier a le pouvoir de nous faire retrouver les autres et de nous libérer de l’angoisse d’être seul.
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04-07-2007
Kaspar Hauser, par K. Noubi. (32e partie)
En 1875, on a procédé à l’exhumation du bébé de Charles II de Bade et de Stéphanie de Beauharnais et on avait déclaré qu’il s’agissait bien du fils du couple royal : autrement dit, il n’a pas été subtilisé. On s’étonne, en l’absence, à l’époque, d’analyses génétiques, de telles conclusions.
L’origine ducale de Kaspar a été contestée à l’époque-même. Un policier berlinois, Merker, a publié un opuscule au titre significatif «Kaspar Hauser, vraisemblable mystification», où, Kaspar — qu’il n’a pourtant jamais rencontré — est décrit comme un simple d’esprit qu’on a voulu utiliser pour nuire à la famille grand-ducale de Bade.
Kaspar, lui-même, a joué le jeu et, toujours selon cette thèse, il n’a jamais été l’objet d’attentats mais il s’était infligé lui-même ses blessures. Cela expliquerait les paroles mystérieuses prononcées le jour de sa mort : «personne ne m’a fait de mal… Je n’ai rien à pardonner.» Pourquoi ce comportement ? Kaspar, devenu une vedette, a voulu jouer jusqu’au bout le rôle qu’on lui avait assigné, il a cherché à entretenir jusqu’au bout le mystère, à avoir une fin tragique, digne des histoires romantiques… On a évoqué aussi l’hypothèse que Kaspar a été la victime d’une expérience épouvantable : celle de faire élever, dans l’isolement le plus total, un enfant, pour savoir s’il pouvait, par lui-même, acquérir le langage et les autres fonctions sociales…. C’était bien dans l’air de ce début du XIXe siècle, où ce genre de questions occupait la pensée des philosophes et des savants…
Tout au long du XXe siècle, on a continué à s’interroger sur le mystère Kaspar Hauser. Des dizaines d’ouvrages ont été écrits, des films ont été réalisés.
En 1996, le magazine allemand, Der Spiegel, finance une recherche d’ADN : il s’agissait de comparer une tache de sang figurant sur le caleçon de Kaspar, au moment de son assassinat avec du sang provenant de descendantes de la famille grand-ducale de Bade. La résultat est qu’il n’y a aucune ressemblance entre les deux sangs, aucun apparentement génétique. Mais il a été établi, par la suite, que la tache de sang sur le caleçon de Kaspar est un faux, qu’il ne s’agit pas du sang du jeune homme.
D’autres analyses sont faites en 2002, à partir de six échantillons, dont des cheveux de Kaspar. L’étude a été menée à l’Institut de médecine légale de Münster, sous la direction de professeur B. Brinckmann, l’une des autorités allemande en matière de génétique. Les résultats sont, cette fois-ci différents, car selon le rapport du professeur «Kaspar serait effectivement un membre de la Maison grand-ducale de Bade». L’enfant mort de Charles II et de Stéphanie de Beauharnais, ne l’était pas, lui : mais pour le savoir, et en même temps établir que Kaspar est l’enfant légitime du couple, il faudrait analyser les ossements du bébé mort : cela, la famille de Bade le refuse. Le mystère va donc persister… Un mystère que Verlaine, dans le beau poème, Sagesse, qu’il a dédié à Kaspar, a su bien rendre : «Suis-je né trop tôt ou trop tard ? / Qu’est-ce que je fais en ce monde ? / Oh ! vous tous, ma peine est profonde./ Priez pour le pauvre Gaspard !»
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03-07-2007
Kaspar Hauser, par K. Noubi. (31e partie)
La mort de Kaspar provoque une vague d’indignation en Allemagne, puis dans toute l’Europe. Ceux qui voulaient le réduire au silence sont parvenus à leurs fins : on ne voulait pas que le secret de ses origines soit révélé au monde.
Selon la chronique de l’époque, à l’annonce de la mort de Kaspar, la grande duchesse Stéphanie de Beauharnais, est tombée en larmes, criant : «Mon enfant !»
Ce serait la preuve qu’elle pensait que l’enfant qu’elle avait perdu en 1812 n’était pas mort mais qu’il avait été enlevé… Et ce fils serait Kaspar !
Sans adhérer à cette hypothèse, le roi de Bavière est scandalisé par le meurtre. Il ordonne une enquête et promet 10 000 florins, une fortune, à toute personne qui participerait à l’arrestation de l’assassin… Un assassin que l’on fait rechercher en Allemagne et dans toute l’Europe, en vain.
Le Grand-duché de Bade est désigné du doigt et on frôle, avec lui, l’incident diplomatique : mais aucune preuve de sa culpabilité n’est apportée, et on doit arrêter les accusations.
L’enquête dure deux années entières, le rapport de l’instruction comporte plusieurs milliers de pages, mais aucune preuve tangible n’est fournie, aucun coupable avéré, de son enfermement comme de son assassinat, n’a été établi. Finalement, après de longs débats, on a été contraint de fermer le dossier. A l’endroit où Kaspar a été agressé on a apposé une plaque en latin : «Hic occultis occulto uccissus, ici, un inconnu a été tué par un inconnu.» Cette plaque existe encore aujourd’hui et, de temps à autre, une main charitable pose, à l’endroit, une fleur. Une façon d’honorer la mémoire du jeune sauvage de Hanovre, devenu, par la rumeur, un enfant de sang royal, mort tragiquement.
La mort de Kaspar, on s’en doute, est loin d’avoir résolu le mystère de ses origines. Nous avons évoqué à plusieurs reprises l’hypothèse qui en faisait le fils de Charles II de Bade et de la princesse Stéphanie de Beauharnais. Les partisans de cette hypothèse étaient nombreux (et le sont encore aujourd’hui) : si le couple, dit-on, avait eu un enfant mâle, cet enfant aurait régné un jour sur le trône de Bade. Mais sa mort a permis, à la branche rivale de la famille de parvenir au pouvoir. On devine que cette branche, notamment, la comtesse de Hochberg, a été accusée, non seulement de l’enlèvement du petit prince à sa naissance, puis, une fois ce prince revenu, en la personne de Kaspar, son assassinat.
Selon un récit, quand Kaspar a été enlevé à la naissance, il devait être mis à mort, mais le major chargé de l’opération, avait eu pitié de l’enfant et l’avait confié à des paysans, moyennant une somme d’argent. Il aurait pu être élevé, parmi les enfants des paysans, mais ceux-ci ont préféré l’enfermer comme une bête. Parvenu à l’adolescence, on n’a plus voulu l’entretenir, c’est alors qu’on l’a rendu aux hommes (à suivre…)
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02-07-2007
Kaspar Hauser, par K. Noubi. (30e partie)
Il délire toute la nuit. On croit son heure venue mais le lendemain, il reprend connaissance. Le médecin revient pour soigner la blessure. On a des difficultés à faire baisser la fièvre. Il semble aller mieux et absorbe même un peu de bouillon.
La journée du 16 est stationnaire mais le 17, la fièvre monte de nouveau et il délire.
— Appelez ma mère, supplie-t-il.
Madame Meyer vient à son chevet. Elle lui tient la main et fait tout pour le calmer. Mais il s’agite et on croit son heure arrivée.
On fait venir le pasteur. L’homme d’église qui connaît bien Kaspar essaye de le rassurer.
— Comment vas-tu, mon garçon.
— Je ne vais pas très bien, monsieur le pasteur, je suis très fatigué !
— Tu mangeras du bouillon et de la viande et tu reprendras des forces ! N’oublie pas que les enfants te réclament pour finir la crèche…
— Je ne sais pas si je pourrais, monsieur le pasteur…
— Nous comptons tous sur toi, Kaspar.
— Je ferai de mon mieux, mais je ne sais pas si je pourrais…
Le pasteur hoche la tête.
— Dis-moi, tu veux peut-être dire quelque chose pour soulager ta conscience… C’est mon devoir de t’écouter et de t’aider.
Kaspar a un sourire triste ;
— Je n’ai rien à dire, monsieur le pasteur, j’ai la conscience tranquille…
Et il ajoute :
— Je demande pardon à tous… Le pasteur le regarde, étonné.
— Tu veux dire que tu pardonnes à tous… tu pardonnes le mal qu’on t’a fait, depuis ton enfance jusqu’à cet odieux attentat…
Kaspar se redresse. Il a du mal à parler.
— Personne ne m’a fait de mal…
Le pasteur n’en croit pas ses oreilles.
— Mon garçon, tu es une âme généreuse.
Le jeune homme laisse retomber la tête, épuisé par l’effort et répète, comme s’il se parlait à lui-même.
— Non, personne ne m’a fait de mal… Je n’ai rien à pardonner…
La cathédrale sonne à ce moment-là vingt heures. Kaspar pousse un soupir, regarde les gens qui l’entourent et ses yeux se figent. Le pasteur se lèvre, fait le signe de la croix et murmure avec une grande tristesse : «Il est mort.»
Puis, d’un geste de la main, il lui rabat les paupières. (à suivre…)
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02-07-2007
50) Poema sobre la soledad del amor
Te miro
y las miradas apenas son manos que palpan
la juventud y la belleza de tu rostro.
Manos que apenas separan siete colores en la luz
y que no pueden tocar tus pensamientos.
Estoy a obscuras dentro de mi carne.
Desde los ojos baja sobre mi alma una triste claridad.
Te hablo
y muestro las palabras como si alzara objetos
para que me entendieras.
Muestro palabras que no son mis pensamientos,
que están fuera de mí, lejos de mí,
que ni siquiera están en mi cuerpo, como las lágrimas.
Nos amamos a tientas. Queriéndonos
estamos tan distantes
que debemos enviarnos palabras,
pequeñas palabras para poder entendernos
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02-07-2007
Kaspar Hauser, par K. Noubi. (29e partie)
Décembre 1833. La fête de Noël approche. Il règne une forte activité à Ansbach où on prépare les festivités.
Kaspar, qui ne travaille pas, ce 14 décembre, est chez le pasteur de la petite ville. Il s’y rend souvent, depuis quelque temps, il se rend à l’église où il s’entretient avec le pasteur. Il s’est découvert un intérêt pour la religion et le pasteur se fait un plaisir de faire son éducation. Mais ce jour-là, il n’est pas venu pour apprendre mais pour aider. Le pasteur prépare, en effet, avec ses enfants, la crèche de Noël et Kaspar veut y participer.
Armé de ciseaux, il découpe dans le carton des figurines. Il est très habile de ses mains et fait de jolies choses.
Vers quinze heures, il jette un coup d’œil sur l’horloge et dit aux enfants.
— Je dois rentrer…
L’un des enfants lui demande de rester encore.
— Nous avons besoin de toi !
— J’ai rendez-vous avec une personne qui doit me révéler le mystère de mes origines… Je dois retourner à la maison pour prendre un voisin avec moi…
Il prend donc congé du pasteur et des enfants et rentre.
Il retourne effectivement chez les Meyer et entraîne un voisin avec lui. Mais il le perd en cours de route et c’est tout seul qu’il se rend au lieu du rendez-vous : le jardin public de la petite ville. Il est quinze heures trente, quand le professeur Meyer sortant à la fenêtre l’aperçoit.
— Tiens, dit-elle, Kaspar revient….
Mais elle remarque aussitôt qu’il a une démarche étrange : il titube, comme s’il avait bu.
Le professeur est prêt à s’emporter et il sort pour aller à la rencontre du jeune homme. Celui-ci vient vers lui. Si tout à l’heure, il titubait, il semble maintenant prêt à s’écrouler.
— Kaspar !
— Professeur….
— Que se passe-t-il, mon garçon ?
Le jeune homme marche en se tenant le flanc. C’est alors que le professeur aperçoit la tache de sang sur la chemise.
— Kaspar, tu es blessé !
— Oui, professeur… Un homme, il m’a frappé avec un couteau…
— Je croyais que tu étais chez le pasteur !
— Non, jardin… jardin public…
— Et qui est cet homme qui t’a frappé ?
— Un homme… il m’a donné une bourse… Je l’ai prise, mais il a pris un couteau et il m’a frappé… J’ai laissé la bourse tombée et je me suis enfui…
L’effort le fatigue. Il veut encore parler mais il ne peut pas. Il tombe dans les bras du professeur, évanoui. (à suivre…)
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01-07-2007
49) Solitude – Fey
Solitude devenue maîtresse de ma vie
tu me mets en servitude face à ton mépris.
Je déambule dans ma longue journée
comme dans ma courte nuit étoilée.
Mon mal coule le long de mes peines
comme le fait le sang dans mes veines,
je déverse ma colère contre mon corps
essayant par ce geste de punir mes tords.
Je hais mon coté lumière attendrissant plongeant
tête la première du coté sombre sang
éclaboussant les gens qui m’accompagne,
ne cherchant plus à ce qu’on m’épargne.
Je brûle de douleur dans mes entrailles
c’est encore pire quand on trouve la faille,
causant ma descente fulgurante à jamais
sans retour d’un cœur qui puisse aimer
Fleur de l’être : un blog plein d’imagination, de comtes, de fraîcheur… à lire aussi (pasdevelours) : Etre maman.
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