11-06-2007
Le Criticon – Baltasar Gracian (1601-1658)
Les trois parties du Criticon, publiées en 1651, 1653 et 1657, eurent un grand écho en Europe, notamment dans les pays germaniques. Il s’agit sans aucun doute du chef d’œuvre de l’auteur et de l’une des plus grandes réalisations du Siècle d’or. C’est un long roman allégorique parsemé de touches philosophiques qui rappelle le style romanesque byzantin par les nombreuses vicissitudes et aventures auxquelles les personnages sont confrontés, ainsi que le roman picaresque par sa vision satirique de la société qui transparaît dans le long pèlerinage que font les principaux personnages, Critile, « l’homme critique », qui incarne le désillusionnement, et Andrénio, « l’homme naturel », qui représente l’innocence et les instincts primaires. L’auteur utilise sans cesse une technique perspectiviste qui se déploie selon les idées ou les points de vue de chacun des deux personnages, mais sur un mode plus antithétique que polyphonique, contrairement au don Quichotte de Miguel de Cervantes. Le roman renferme une philosophie, le pessimisme, à laquelle l’un de ses meilleurs lecteurs et l’un de ses plus fervents admirateurs, le philosophe allemand du XIXe siècle Arthur Schopenhauer, s’est identifié.
Ce qui suit est un résumé sommaire du Criticon, œuvre complexe qui nécessiterait une étude détaillée.
Critile, un homme du monde, fait naufrage sur le rivage de l’île de Sainte-Hélène, où il rencontre Andrenio, l’homme de la Nature, qui a grandi complètement à l’écart de la civilisation. Ils commencent ensemble le long voyage vers l’Île de Immortalité, parcourant la longue route semée d’embûches de la vie. Dans la première partie (« Du printemps de l’enfance à l’été de la jeunesse »), ils rejoignent la cour du roi où ils souffrent de toutes sortes de déceptions ; dans la deuxième partie (« Judicieuse et civile philosophie dans l’automne de l’âge viril »), ils traversent l’Aragon, où ils rendent visite à Salastano (anagramme du nom de l’ami de Gracián, Lastanosa), voyagent en France, que l’auteur appelle « le désert d’Hipocrinde », uniquement peuplée d’hypocrites et de cancres, et terminent leur voyage par la visite d’une maison de fous. Dans la troisième partie (« Dans l’hiver de la vieillesse »), ils vont à Rome et y découvrent une académie où se trouvent les hommes les plus inventifs, puis finissent par rejoindre l’Île de l’Immortalité.
Le style de Gracián, génériquement appelé conceptisme, est caractérisé par l’emploi d’ellipses et par la concentration d’un maximum de sens dans une forme la plus minimale possible, un style appelé en espagnol l’agudeza (l’« acuité ») et porté à son extrême dans L’Homme de cour, un livre composé uniquement de presque trois cents maximes commentées. Gracián joue continuellement avec les mots et chaque phrase devient un puzzle rhétorique complexe.
Publié par Jean dans Vacuité | RSS 2.0
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