04-04-2007
Une solitude qui vous veut du bien – Isabelle Filliozat
Source: Revue Psychologies.
On souffre parfois le martyre. Mais apprendre à s’aimer soi-même pour aimer les autres, c’est une étape qui ne peut se franchir qu’en solitaire.
Quand on rentre le soir et que personne ne vous attend, quand on se retrouve seul devant son téléviseur, l’angoisse surgit, les doutes affluent. «Qu’est-ce que j’ai de spécial, de différent, de moins bien que les autres ? Pourquoi ne puis-je pas aimer et être aimé (e) ?» On n’a jamais tant parlé de communication qu’aujourd’hui, et on n’en a jamais autant manqué. Manqué ? À dire vrai, radio, télé, publicité, poste et téléphone, on n’en a jamais tant abusé ! On dit que les gens ne se parlent plus. Mais se sont-ils un jour parlés ? Croyez-vous vraiment que vos parents, vos grands-parents se parlaient ?
Communiquer, c’est s’exprimer, affirmer ses désirs, ses besoins et écouter l’autre dans les siens. C’est possible entre deux êtres qui n’ont pas peur l’un de l’autre, qui n’ont donc pas besoin de jouer des rôles ou de s’enliser dans des jeux de pouvoir, de se dissimuler ou de fuir. Deux individus qui savent être eux-mêmes, libres l’un face à l’autre.
Apprendre à s’aimer soi est un passage obligé pour aimer l’autre pour ce qu’il est, et non pour ce qu’il vous apporte. C’est une étape qui se franchit en solitaire. Il faut se détacher de l’autre pour se trouver soi, se détacher du désir de l’autre pour laisser émerger le sien propre. Oser la solitude, oser la traversée du désert, pour apprendre à étancher sa soif en ne puisant qu’en soi.
Que l’on vive seul ou à deux, la route pour devenir vraiment soi-même est à parcourir seul, à l’intérieur de soi, pour y trouver ce que l’on cherchait chez l’autre. Aucun autre, si amoureux, si aimant soit-il, ne pourra jamais combler les manques du passé. Il nous incombe de guérir nos blessures, guérir l’enfant à l’intérieur de nous.
Solitude est souvent synonyme de désespoir. Elle est perte de cet espoir, qui signifie projection dans le futur. La solitude oblige à vivre dans le présent. Et pourtant, elle est aussi l’espace qui laisse remonter son histoire, ses émotions, pour aller à la recherche de soi et répondre à «Qui suis-je et qu’est-ce que je veux de ma vie ?»
La solitude fait peur parce qu’elle confronte. Personne sur qui s’appuyer pour occuper le temps, prendre les décisions. Nous sommes inquiets à l’idée de ne pas savoir faire face. Dans le silence, ce que nous, simples mortels, découvrons en premier lieu, ce sont nos «démons». Ces démons sont nos angoisses, nos peurs, nos colères refoulées, tout ce que nous dissimulions dans les ténèbres de notre inconscient. Nous n’aimons pas beaucoup les regarder en face. Si nous ne faisons ce retour, cette plongée dans nos profondeurs, notre face réprimée, se manifestera dans notre vie, provoquant souffrances, échecs et répétitions.
Une époque solitaire – si difficile à vivre soit-elle parfois – est une étape de construction importante. Elle ne veut que nous apprendre à aimer, à rester un être entier auprès de l’autre. C’est en soi qu’est la solitude. Elle peut se vivre seul ou à deux. Il n’est pas nécessaire de se séparer pour trouver son autonomie. Il s’agit de prendre de temps à autre un peu de distance, de se garder des moments seuls, de conserver des activités indépendantes, d’être attentifs à ne pas chercher à combler tous les instants de manque par la présence de l’autre. Et… de ne pas faire reposer sur lui toutes les décisions de la vie quotidienne. Chacun passe par cette étape d’indépendance marquée par le besoin d’être seul, libre, d’explorer, de tester ses capacités propres, de choisir par soi-même.
Avec la liberté vient souvent la souffrance. L’apprentissage de la responsabilité est un long chemin. Ne laissez pas les autres décider pour vous. On court plus de risques à abdiquer sa liberté qu’à se tromper de temps en temps. Il est important de faire des expériences, de faire des erreurs, des bêtises même, pour acquérir des certitudes intérieures, pour construire la confiance en soi.
Les moments de solitude dans une vie sont des occasions de croissance personnelle, des occasions pour établir ou maintenir un meilleur contact avec soi-même et donc créer les meilleures conditions de l’amour. C’est le refus de la solitude bien plus que la solitude elle-même qui fait souffrir! En l’acceptant, en la choisissant, on l’apprivoise, on grandit avec elle. Elle vous apprend à vous aimer, à aimer.
Aimez-la!
Publié par Jean dans Vacuité | RSS 2.0
5 Réponses à “Une solitude qui vous veut du bien – Isabelle Filliozat”
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J’avous que mon blog est un vaste chantier où je me livre à pas mal d’expériences : mot-de-passe ; dictionnaire ; copies des commentaires laissés ailleurs ; reproduction de textes sur la solitude qui me plaisent… comme le tient et pour tout te dire j’envisage une refonte totale…
Mais tu y es la bien venue Ly et tu peux laisser tes commentaires où cela te plaira, ils me feront toujours plaisir.
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Dur de trouver un endroit pour te laisser un comm’, ou est ce parce que j’ai du mal ! Je voulais laisser un comm’ en réponse à l’article qui tu as de nouveau mis sur ton blog enfin un bout mais ce n’est pas le bon endroit donc je ne le ferai pas, passes me dire où je peux laisser un comm’
Merci d’avoit laissé un message et d’être passé. As-tu un blog ?
Dernière publication sur Iwazaru 言わざる : Prénom : Unibalde
vraiment je suis tt a fait avec toi la meme point de vue
Je suis d’accord avec toi sur le fait qu’il faut apprendre à se connaître avant de connaître les autres (par contre il n’est pas necessaire de s’aimer pour aimer les autres…).
Se réserver des instants de solitude permet de cultiver son jardin secret et de tenter d’échapper aux pressions quotidiennes. La solitude n’est pas maladie et au contraire permet parfois de mieux se connaître pour être ensuite plus en phase avec les autres ; il ne faut donc pas systématiquement la rejeter (comme tu le suggère si bien d’ailleurs).
Cependant là où il peut y avoir risque c’est lorsque l’on s’isole dans sa solitude pour de mauvaises raisons (si l’on ne s’aime pas par exemple ; si l’on se coupe sciemment du reste des autres en permanence en posant comme postulat qu’on n’est pas assez bien pour les autres et qu’on doit donc rester en dehors des autres ce qui peut amener à se conduire (dans la dernière extrèmité ce qui heureusement n’arrive pas souvent….) en ermite voire en suicide….
Pour résumer se réserver des instants de solitude permet de « grandir » dans sa relation avec soi et avec les autres mais on doit aussi se réserver des instants pour sortir de sa solitude.
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